Grands colloques - Droit public et droit privé de l'environnement : unité dans la diversité ? - 42

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LES PRINCIPES

Distilbène. En effet, dans un arrêt du 7 mars 200610, la première chambre
civile de la Cour de cassation a retenu la responsabilité du laboratoire
pharmaceutique pour manquement à son obligation de vigilance, dans
la mesure où il n'avait pas pris de mesures pour éviter la survenance de
dommages, en l'occurrence des malformations génitales et des cancers, alors
même qu'avant 1971, les risques du médicament n'avaient pas été identifiés
avec certitude. Le juge a souligné qu'il existait dans la littérature scientifique dès 1953-1954 et 1968 des études qui faisaient part d'un risque de
cancers, notamment chez les animaux exposés au médicament. Un auteur11
a vu dans cette jurisprudence, une reconnaissance implicite de la faute de
précaution, marquant le passage d'une obligation de prudence en cas de
risques connus à une obligation de prudence renforcée en cas de risques
débattus ou soupçonnés, porteurs de dommages graves.
D'autre part, l'aptitude du principe de précaution à influencer la faute
en droit de la responsabilité a fait l'objet d'une reconnaissance explicite
par la Cour de cassation dans un arrêt de la première chambre civile du
3 mars 201012. Dans cette affaire, les propriétaires d'un terrain se trouvant
à proximité d'une source d'eaux minérales naturelles avaient fait réaliser
un forage pour l'arrosage de leur jardin. La société d'exploitation de l'eau
minérale les a assignés en fermeture du forage en se prévalant notamment
d'une violation du principe de précaution, mais sans succès.
En effet, la Cour de cassation a rappelé ici la définition du principe de
précaution inscrite à l'article L. 110-1 II. 1 ° du Code de l'environnement.
Puis elle a constaté que le forage avait été exécuté par une entreprise
spécialisée, dans les règles de l'art et dans le respect des autorisations
administratives. L'expert avait alors conclu que « le forage se situant à l'aval
du captage des eaux minérales (...) n'avait aucune possibilité de polluer les
eaux, même si l'on y précipitait des produits nocifs ou des germes délétères ».
Dans ces conditions, en l'absence de tout risque de pollution, le principe
de précaution ne pouvait recevoir application.
Une analyse a contrario13 de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 mars 2010
permet d'affirmer que le principe de précaution peut-être invoqué en
droit de la responsabilité civile, quand on se trouve dans une situation
d'incertitude. Par ailleurs, on peut dégager du raisonnement de la Cour
de cassation, l'idée suivant laquelle la preuve d'une faute de précaution
est subordonnée à la preuve d'un manquement aux conditions légales du
10. Cass. 1re civ., 7 mars 2006, n° 05-16180.
11. C. Radé, RCA 2006, n° 5, p. 14.
12. Cass. 1re civ., 3 mars 2010, n° 08-19108.
13. M. Hautereau-Boutonnet, « Le principe de précaution en droit français, regard
comparatiste sur son influence en droit de la responsabilité civile », préc., p. 11.
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