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L'INFLUENCE DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION EN DROIT PRIVÉ 43

une confusion encore trop forte entre la vérité scientifique et la vérité
juridique25.
Cela ne poserait pas de difficulté si les juges tiraient des mêmes indices de
fait des conséquences de droit identiques. Or, tel n'est pas le cas, comme le
montre le contentieux du vaccin contre l'hépatite B suspecté par certaines
personnes d'être à l'origine de maladies comme la sclérose en plaques ;
contentieux dans lequel il existe un « grand désordre jurisprudentiel »26.
En effet, les mêmes circonstances de fait conduisent à des appréciations
différentes de la causalité de la part des juges du fond. Or, la Cour de
cassation n'exerce pas son rôle d'unification ici, puisqu'elle considère que
l'appréciation de la causalité juridique relève du pouvoir souverain des
juges du fond. En conséquence de quoi, « la vérité scientifique paraît ainsi
varier d'un ressort de cour d'appel à l'autre »27.
Reste à savoir si la position de la Cour de cassation qui permet aux
demandeurs de se fonder sur des présomptions de fait pour rapporter la
preuve certaine du lien de causalité en présence d'un doute scientifique28
va évoluer. En effet, la Cour de cassation vient de poser trois questions
préjudicielles à la Cour de Justice de l'Union européenne qui ont trait à la
charge de la preuve en cas d'incertitude scientifique, qui visent à déterminer
si la preuve par présomption de fait admis par le juge est conforme au droit
communautaire de la responsabilité du fait des produits défectueux et si
ces présomptions doivent ou non faire l'objet d'un contrôle par la Cour
de cassation. Plus précisément, les trois questions posées à la Cour sont
les suivantes :
1. L'article 4 de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985,
relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et
administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des
produits défectueux s'oppose-t-il, dans le domaine de la responsabilité
des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu'ils produisent,
à un mode de preuve selon lequel le juge du fond, dans l'exercice de son
pouvoir souverain d'appréciation, peut estimer que les éléments de fait
invoqués par le demandeur constituent des présomptions graves, précises
et concordantes, de nature à prouver le défaut du vaccin et l'existence d'un
lien de causalité de celui-ci avec la maladie, nonobstant la constatation que

25. Pour aller plus loin sur la portée du principe de précaution en droit de la preuve :
M. Mekki, « Le droit privé de la preuve... à l'épreuve du principe de précaution », D. 2014,
p. 1391.
26. J.-S. Borghetti, « Contentieux du vaccin contre l'hépatite B : en route pour
Luxembourg ! », D. 2015, p. 2602.
27. Ibid.
28. Cass. 1re civ., 12 nov. 2015, n° 14-18118.

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