Droit des affaires - Stratégie d'entreprise et propriété intellectuelle - 132

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Stratégie d'entreprise et propriété intellectuelle

desdites bouteilles par le titulaire ou avec son consentement. La vente de la bouteille
épuise le droit de marque sur la forme de la bouteille. L'acheteur dispose librement de
la bouteille, notamment pour l'échanger ou de la faire remplir, une fois le gaz d'origine
consommé, auprès d'une entreprise de son choix, c'est-à-dire non seulement auprès
du titulaire de la marque, mais également auprès de l'un de ses concurrents. Cette
solution est en contradiction avec la fonction de garantie d'origine du droit de marque.
La Cour 82 a procédé à la même analyse pour le commerce de logiciels d'occasion. Le
droit de distribution de la copie d'un programme d'ordinateur est épuisé si le titulaire
du droit d'auteur, qui a autorisé, fût-il à titre gratuit, le téléchargement de cette copie
sur un support informatique au moyen d'Internet, a également conféré, moyennant le
paiement d'un prix destiné à lui permettre d'obtenir une rémunération correspondant
à la valeur économique de la copie de l'œuvre dont il est propriétaire, un droit d'usage
de ladite copie, sans limitation de durée.
Cette référence à la valeur économique du bien constitue un élément étrange de
l'appréciation de l'épuisement du droit. Le prix ou la redevance s'apprécie pour l'entrepreneur à l'aune d'une exploitation globale d'un bien intellectuel, dans la logique du
modèle économique arrêté par l'exploitant, et non pour un seul acte. La Cour détruit
le modèle économique de l'opérateur en invoquant la consommation de la valeur
économique et bride les innovations commerciales. Le risque supporté pour proposer
ces innovations n'est pas couvert si le juge modifie le modèle économique. L'entreprise
doit changer de modèle ou ne plus innover pour ne plus supporter ce risque spécifique.
189. La volonté de remettre en cause les modèles économiques fondés sur la
commercialisation de consommables a une forte influence sur la liberté d'entreprise
et la capacité d'une innovation à pénétrer un marché. L'intérêt d'un tel modèle est de
limiter les coûts d'accès à l'innovation pour le client et étaler dans le temps les revenus
de l'entreprise, tout en permettant à cette dernière de couvrir ses risques et maîtriser
sa chaîne de valeur. Si les autorités de la concurrence imposent que le marché des
consommables soit ouvert à tous les opérateurs, l'entreprise porteuse de l'innovation
supporte plus de risques que ses concurrents sans pouvoir bénéficier de l'intégralité
du marché créée grâce à son innovation. Quant aux concurrents, dans une approche
typiquement parasitaire, ils jouissent des investissements du porteur de l'innovation
82. CJUE, 3 juill. 2012, aff. C-128/11, UsedSoft Vs. Oracle, D. 2012. 2142, obs. J. Daleau ; D. 2012,
note A. Mendoza-Caminade; D. 2012, p. 2101, point de vue J. Huet; D. 2012, p. 2343, obs. J. Larrieu, C. Le
Stanc et P. Tréfigny ; RTD com. 2012. 542, obs. F. Pollaud-Dulian ; RIDA, juill. 2012, obs. P. Sirinelli ;
Europe 2012, comm. 345, obs. L. Idot ; RTD. eur. 2012. 847, obs. E. Treppoz ; CCE 2012, comm. 106,
note C. Caron ; R. Hilty, K. Köklü, F. Hafenbrädl, "Software Agreements : Stocktaking and Outlook -
Lessons from the UsedSoft v. Oracle Case from a Comparative Law Perspective", International Review
of Intellectual Property and Competition Law 2013, p. 263 ; V. Varet, « De distorsions le droit (de reproduction) s'est épuisé. À propos de l'arrêt de la CJUE en date du 3 juillet 2012, UsedSoft c/Oracle »,
Prop. intell. 2012, nº 45 p. 384.
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