Droit des affaires - Stratégie d'entreprise et propriété intellectuelle - 143

La stratégie d'appropriation des biens intellectuels

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et se trouve fragilisée en présence d'une action en contrefaçon. On constate que
le volume et la qualité des brevets sont pris en considération pour apprécier cette
puissance de marché. Le nouvel entrant doit parvenir à répondre à cette pratique du
marché pour être libre d'exploiter, ce qui constitue une évidente barrière à l'entrée.
203. Émerge au moins un troisième usage du marché, au-delà des modèles économiques : le pouvoir de négociation attaché au portefeuille de droits de propriété
intellectuelle. Ce pouvoir existe, en droit des marques, dans le cadre du contentieux de
l'opposition pour permettre la conclusion d'accord de coexistence106. Il existe aussi en
droit des brevets, on vient de l'envisager pour le marché des téléphones mobiles dans
les deux exemples précédents. Il existe pour les droits voisins dans des rapports entre
producteurs et diffuseurs pour les négociations : plus le producteur a un catalogue
important et attractif au regard de celui de ses concurrents, plus il sera en position
favorable pour négocier avec des diffuseurs, notamment pour des out-put deals. Des
rapports de force s'organisent sous le contrôle des autorités de la concurrence qui
pourront sanctionner des abus de position dominante. Ce troisième usage est perturbé
par de nouveaux modèles économiques pour la propriété intellectuelle, notamment
les Non Practicing Entities107 (NPE). Il y a une posture complexe en présence d'un
conflit de modèle entre les NPE et les autres opérateurs sur un marché, des NPE ne
sont pas intéressées par les licences croisées. La monétisation de leurs actifs passe
uniquement par la perception de redevances, le bénéfice des actifs intellectuels d'un
concurrent ne présente aucun intérêt. Le conflit de modèles économiques est perçu
comme une utilisation abusive des actifs intellectuels. L'asymétrie des opérateurs et
de leurs intérêts engendre des conflits ne pouvant être résolus simplement par une
licence croisée dans le cadre d'une transaction. Le respect de la propriété s'impose,
tout comme la sanction d'un usage abusif de celle-ci.
204. Enfin, on observe un dernier exemple de pratique du marché, le recourt à des
titres de propriété essentiellement symboliques, pour soutenir une communication
ou une démarche marketing. Il n'est pas illégitime de déposer des brevets « faibles »
dans une stratégie offensive, ou une perspective de patrimonialisation. S'ils sont
faibles à l'égard des concurrents et ne peuvent pas soutenir efficacement une action
en contrefaçon. Ils ont d'autres attraits, notamment à l'égard des consommateurs
qui voient dans la mention d'un brevet sur un emballage un gage de qualité et de
sérieux du produit acquis. De nombreux brevets, notamment dans le secteur de la
cosmétique, ne sont guère juridiquement valeureux mais commercialement forts.
Cette justification du brevet se retrouve pour un dessin et modèle. Dans tous les cas,

106. Voir N. Binctin, Droit de la propriété intellectuelle, op. cit., n° 797, 964, 1356, 1472.
107. Voir supra, n° 72 et 106.

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