Droit des affaires - Stratégie d'entreprise et propriété intellectuelle - 26

Stratégie d'entreprise et propriété intellectuelle

au modèle propriétaire du brevet) porteuse d'une évolution constante de l'offre sur
le marché. L'avantage de la propriété intellectuelle serait alors annihilé parle renouvellement constant de l'offre. Monsieur Corbel relève que « les couples à l'origine
de ces quatre stratégies sont largement antagonistes », ce qui l'a conduit à proposer
une analyse ago-antagoniste des brevets. Dans ce cadre, « les deux pôles d'un couple
sont toujours présents simultanément, ce qui n'exclut pas des variations dans leur
dosage. Il conduit donc à une vision plus dynamique de la gestion de ces tensions et
évite une trop grande polarisation sur l'un ou l'autre des pôles du couple »27.
Cette analyse est particulièrement intéressante, si elle fige des comportements dans
quatre figures, elle compense cela par l'ajout l'approche ago-antagoniste mais celle-ci
ressort peut de la schématisation. La stratégie d'entreprise appliquée à la propriété
intellectuelle impose de croiser des comportements. Surtout, il y a une limite à cette
proposition : elle ne porte que sur la stratégie de brevets28. Une telle approche ne
peut pas être efficace pour une entreprise, la stratégie de brevet ne peut être conduite
seule et constituer en tant que telle une stratégie de propriété intellectuelle traduisant
l'approche de l'entreprise. Le brevet est trop réducteur. Une stratégie de propriété
intellectuelle ne se résume pas à un droit de propriété intellectuelle, elle mobilise
l'ensemble des régimes pour profiter de cette diversité. La stratégie de brevets
constitue, au mieux, une sous-stratégie de propriété intellectuelle, un moyen de mettre
en œuvre cette dernière. Elle n'a pas une cohérence autonome. L'accumulation et
l'utilisation optimale du capital intellectuel nécessitent, sans aucun doute, de l'expérimentation, par exemple pour permettre l'éclosion de nouveaux modèles d'entreprises
et de nouvelles formes organisationnelles. Cela se constate dans les entreprises de
toute taille. Il faut, pour permettre ce mouvement, une compréhension générale des
besoins, de la part des États, des entrepreneurs, des investisseurs et des formateurs.
Il faut tester, adapter, échanger, travailler en réseau, mais aussi rentabiliser, vendre,
générer des revenus, le tout dans un ensemble cohérent. Il n'y a pas un secteur qui
ne connaisse pas une profonde mutation de son modèle économique29. Il y a une
tertiarisation de l'industrie, articulée avec une intense fragmentation géographique
des chaînes de la production. L'investissement dans le capital intellectuel joue un rôle
important dans les chaînes de valeur mondiales. Dans cette chaîne de valeur, le degré
de création de valeur le plus élevé se trouve soit dans les activités d'amont, comme

27. P. Corbel, op. cit.
28. Voir aussi, P. Corbel et C. Le Bas, Les nouvelles fonctions du brevet - Approches économiques
et managériales, Economica, 2012.
29. Par exemple, pour le secteur de la musique, N. Binctin, « La traduction contractuelle des modèles
économiques d'exploitation des œuvres », Les cahiers de la propriété intellectuelle 2014, éd. Yvon Blais,
Montréal, vol. 26, n° 2, p. 321.

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