Droit des affaires - Stratégie d'entreprise et propriété intellectuelle - 35

La stratégie d'acquisition des biens intellectuels

dans la plupart des États, demeurent des variantes locales, parfois simplement
processuelles, parfois fortement substantielles. Les opérateurs vont naturellement
se concentrer sur la conformité au droit national applicable à chacun des salariés
concernés par les questions de propriété intellectuelle. Il serait certainement opportun
de dépasser les contraintes nationales pour permettre l'émergence d'une pratique
mondiale ou, à tout le moins, d'une pratique régionale. On peut penser un régime pour
les salariés innovants d'une entreprise implantée dans l'Union européenne, un régime
pour ceux installés en Asie du Sud-Est. Les différences légales locales ne constituent
des freins que dans la mesure où on ne recherche pas à les dépasser. Par exemple, le
droit allemand et le droit français comptent des mécanismes pour gérer le sort des
inventions de salarié. Dans les deux cas, l'employeur peut exploiter les inventions de
ses salariés, mais les approches juridique et économique sont différentes. Notamment,
la loi allemande incite à l'application d'une méthode spécifique d'évaluation de la
rémunération supplémentaire. La loi française est silencieuse sur ce point et admet des
aménagements contractuels. Dans ces conditions, il est possible d'appliquer en France
le mécanisme de la loi allemande pour l'évaluation de la rémunération supplémentaire.
De la sorte, les salariés sont traités de la même façon tout en respectant le droit local.
Une telle adaptation peut être opérée à une échelle plus vaste, à la recherche d'une
politique de groupe pour le traitement des salariés innovants.
31. Il est possible de traiter de façon différente les innovations réalisées au sein de
l'entreprise. Le droit impose un régime pour l'ensemble des innovations, mais il est
ensuite possible d'adapter ce régime pour des catégories d'innovations et ne pas traiter
de la même façon l'adaptation assez courante et l'innovation de rupture qui offre un
avantage compétitif majeur à l'entreprise. Ainsi, la rémunération supplémentaire peut
varier selon les catégories d'inventions, dans le cadre d'un rattachement objectif et
justifié. Si l'exclusion d'une invention du mécanisme de la rémunération supplémentaire est sanctionnée en droit français, en revanche, la variation des rémunérations
supplémentaires en fonction de catégories d'inventions est légale7. Il faut construire
pour les salariés une solution qui dépasse les spécificités des droits de propriété
intellectuelle pour parvenir à organiser une harmonie de traitement en miroir du
travail collectif rassemblant une pluralité de compétences qui préside à la création

7. Par exemple, la société Air Liquide utilise quatre critères pour classer les inventions de ses salariés
dans le monde entier : C1 - cadre général de la recherche (du plus favorable au moins favorable), C2 - la
difficulté de mise au point pratique (échelle de 5 notes), C3 - la contribution personnelle originale (en
fonction du nombre d'inventeur et la portée du brevet), et, enfin, C4 - l'intérêt économique de l'invention.
À ces quatre critères, un cinquième peut être inclus, un coefficient exceptionnel N : lorsque l'invention
présente un impact stratégique, le comité PI de cette société peut recommander à la direction générale
un coefficient complémentaire. La formule retenue ensuite est : Rémunération supp. = (C1 + C2) × C3
× C4 × N × Sm, où Sm est le salaire moyen brut annuel de l'entreprise déterminé chaque année.

Droit des affaires - Stratégie d'entreprise et propriété intellectuelle

Table des matières de la publication Droit des affaires - Stratégie d'entreprise et propriété intellectuelle