Manuels - Droits de l'homme et libertés fondamentales - 6e - 65

Les fondements des droits et des libertés

A. Le positivisme juridique
42. Pour les tenants du positivisme juridique, le droit naturel n'existe
pas, les droits de l'homme non plus d'une certaine manière, ils ne peuvent que correspondre aux libertés publiques admises par les autorités
publiques au travers des lois en vigueur dans l'État concerné. Plusieurs
auteurs ont contribué au développement de ce positivisme, notamment
l'Autrichien Hans Kelsen74 (1881-1973) et le français Carré de Malberg
(1861-1935). Pour le premier, l'État de droit se ramène à un ordre hiérarchique de normes, à une pyramide composée de niveaux superposés
et subordonnés les unes aux autres. Il s'agit donc d'une vision strictement
formaliste du droit : une norme est une norme juridique en tant qu'elle
appartient à un ordre juridique. Pour le second, « le droit au sens propre
du mot n'est pas autre chose que l'ensemble des règles imposées aux
hommes sur un territoire déterminé par une autorité supérieure, capables de commander avec une puissance effective de domination et de
contrainte irrésistible. Or cette autorité n'existe que dans l'État »75. Pour
ces auteurs, la science du droit est destinée à décrire et non à prescrire.
Ainsi, pour les tenants du positivisme juridique, les questions de provenance des normes, donc de leur substance, n'ont pas vraiment d'importance.
Il faut et il suffit qu'elles soient intégrées valablement par des procédures adéquates dans un ordre juridique positif. On perçoit alors aisément les risques
qu'une telle approche fait courir aux libertés. Des lois peuvent donc être liberticides à condition qu'elles soient des lois. « Cette problématique kelsénienne
de l'État de droit a été jugée par la doctrine française de l'époque à la fois
idéaliste et dangereuse »76. Maurice Hauriou (1856-1929) ne manque de
dénoncer très précisément les risques pour la liberté : « Le primat de la liberté
est remplacé par celui de l'ordre et de l'autorité. La maxime fondamentale
n'est plus "Tout ce qui n'est pas défendu est permis jusqu'à la limite", elle
est "Tout ce qui n'est pas conforme à la Constitution hypothétique est sans
valeur juridique"... Le joug d'une pareille philosophie serait pour le droit
pire que celui de la théologie »77.
Peu d'auteurs contemporains considèrent encore que les droits de
l'homme doivent être regardés au seul prisme du simple positivisme juridique, compte tenu justement des risques pour les libertés. Parmi eux,
Claude-Albert Colliard (1913-1990) reconnaît son attachement à cette approche positiviste : « Tout d'abord, il est évident que la conception positiviste
que nous avons adoptée, et qui est la seule rationnelle signifie que, sur le
plan juridique, l'État peut librement déterminer, sous la seule réserve de
l'adoption des procédures convenables, tel que la modification éventuelle
de la constitution ou l'emploi de la procédure législative, le volume des
74.
75.
76.
77.

Hans Kelsen, Théorie pure du droit, 1934, Trad. Dalloz, 1962.
Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'État, Sirey, 1922, tome 2, p. 490.
Jacques Chevallier, L'État de droit, Montchrestien, 1999, p. 50.
Maurice Hauriou, Précis de droit constitutionnel, Sirey, 1929, p. 11.

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