Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 109

1896

moins loin, à l'agrégation, sommes amenés, par la force des circonstances, à faire
de nos conférences de doctorat des antichambres de la conférence d'agrégation,
qui, de plus en plus, ne sera possible qu'à Paris. J'ai repris tout récemment, au
15 Mars, des mains de Tissier, cette conférence de doctorat de droit civil, dont je
n'avais pu m'occuper, faute de temps, pendant le 1er semestre, et que Tissier ne
pouvait, pour le même motif, suivre plus loin9. Il est certain que c'est là seulement
que nous pouvons, pour ce qui est du droit civil, du moins, tenter une influence un
peu sérieuse sur nos élèves pour leur formation scientifique. Mais encore faudra-t-il
savoir par quels procédés conduire au résultat voulu ceux qui viennent à nous, tout
en assurant, de la façon la plus favorable, pour autant que cela dépend de nous,
leur avenir professionnel.
Et maintenant, il faut que je tourne court à ces considérations un peu bien
objectives, pour répondre à la demande plus précise, contenue dans votre lettre.
Comme vous, nous pensons, avec le ravissement des prisonniers pour la liberté,
aux vacances qui sont tout près de nous. Il est bien difficile, en ces petits quinze
jours de pouvoir être à tous. Et, si nos projets se réalisent, nous n'aurons que de
bien faibles chances de vous pouvoir rencontrer. Nous n'avons pas encore fait
de visite de noces à la grand-mère de ma femme, qui habite la Loire. L'occasion
paraissant propice de combler cette lacune, nous commencerions par nous diriger
de ce côté et il nous faudrait partir le dimanche des Rameaux. Nous resterions deux
jours dans la Loire et partirions sans doute de là le mercredi-saint pour faire route
ensemble jusqu'au Creusot, où nous passerions quelques heures chez mon frère.
De là, je laisserais ma femme aller retrouver à la Machine son fils qui l'y aurait
précédé. Et, pour moi, je gagnerais la Lorraine où il me tarde de revoir ceux que
j'ai laissés, en repassant par Dijon sans arrêt.
Je mets tout cela au conditionnel, parce que j'ai appris à faire large la part de
l'imprévu. J'espère pourtant que rien ne nous arrêtera. Nous avons, après un
premier essai malheureux, mis la main sur une nourrice qui paraît parfaite. C'est
une grande sécurité.
En résumé, je ne puis, en fait de coïncidence avec vos propres projets, vous
indiquer que la probabilité de mon passage à la gare de Beaune le mercredi-saint à
5 h 1 du soir. Il me serait important de m'y arrêter, à cause de la correspondance de
mon train de Nancy. Mais peut-être pourrais-je mieux faire à la fin des vacances, si
je revenais de Lorraine avant le dernier jour : auquel cas, je vous écrirais. Il est tout
à fait malheureux que les occasions de nous voir se trouvent nous attirer tous en
des points différents de l'horizon. Comptons du moins sur les croisements de ces
allées et venues pour échanger, à défaut de longues causeries, le serrement de main
qui réveille tant de souvenirs envolés. Ma femme me recommande son affectueux
souvenir pour Madame Saleilles. J'y joins mes profonds respects et je vous redis,
en un vif désir de vous revoir, toute mon amitié.
Fr. Gény
9. Albert Tissier avait été chargé des conférences de droit civil pour le doctorat au premier semestre
1896 (conseil de la faculté de Dijon du 4 septembre 1895, AD. Côte-d'Or, SM18419, p. 102).

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