Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 115

1896

58 [Paris]
Dijon, 12 juillet 1896
Mon cher ami,
Le temps passe, et nous ne savons pas si le projet, que vous nous aviez annoncé,
du départ anticipé de Madame Saleilles pour Beaune est près de se réaliser. Hier,
comme je passais et repassais devant Gigny, étant allé au Creusot pour la noce
de Ganay-Schneider22, je n'ai rien vu qui m'annonçât que votre campagne fût
habitée. Je suppose donc que l'exode de votre monde n'a pas encore eu lieu.
N'omettez pas, n'est-ce pas, de nous signaler le passage de tous ces chers vôtres,
que nous serons bien heureux de revoir. S'il pouvait entrer dans les convenances
de Madame Saleilles de s'arrêter à Dijon, nous mettons bien simplement et bien
cordialement à sa disposition notre logis et notre table. Ma femme serait si heureuse
d'être à Dijon, en ce moment, presque seule à pouvoir profiter de cette bonne
rencontre. En tout cas, et sous quelque forme que se présente l'occasion, nous
tenons à ne pas la manquer. Et, c'est pour cela que je vous écris.
Nous-mêmes commençons à jeter des regards avides vers la fin du présent mois,
qui nous promet la liberté. Ma femme s'est trouvée un peu fatiguée depuis quelques
semaines : et la chaleur insupportable de ces derniers jours n'est pas faite pour
faciliter chez elle une reprise de forces. Aussi comptons-nous, dès que possible,
nous soustraire aux contraintes de la vie urbaine, et nous diriger d'abord vers les
Vosges, où nous jouirons, du moins, du laisser-aller de la campagne, et du voisinage
immédiat de la montagne. Je me sens seulement un peu entravé dans la fixation de
mes plans par la nécessité d'être à Paris pour le jugement du Concours général23.
J'ai reçu, il y a longtemps déjà, la note officielle confirmant la désignation que vous
avez bien voulu m'annoncer. Ladite note ajoutait que les jours et heures de réunion
de la commission me seraient indiqués par son président, M. Bufnoir24. D'après ce
que celui-ci a écrit, vers la même époque, à M. Bailly, ce serait très probablement
pour les premiers jours d'août. Il me serait fort utile de savoir bientôt à quoi je
dois m'attendre au sujet de cette époque, du moins approximativement, parce
que devant être libre ici le 29 de ce mois, je serais disposé à aller retrouver ma
femme dans les Vosges. Et, de là, je gagnerais Paris à l'appel de M. Bufnoir. Mais,
pour cela, il me faudrait pouvoir compter n'être pas convoqué à Paris avant le

22. La fille de Henri Schneider, Zélie, épousait le comte Gérard de Ganay, lieutenant au 9e dragon.
Selon le Journal des débats, la noce eut lieu le 10 juillet 1896 au Creusot. Les témoins de l'épouse étaient
le marquis de Chaponay, son beau-père, et le comte de Pins-Aulagnières, son oncle. Son époux avait
pour témoins le général comte de Ganay et Henri Ridgway, ses oncles. JDPP, 13 juillet 1896, p. 3.
23. Il s'agit du Concours général entre les élèves des facultés de droit établi par le décret impérial
du 27 janvier 1869. Les concours eurent lieu du 26 au 30 juin 1896 (AN. AJ16 1796, p. 170-181). Les
résultats furent communiqués après les délibérations du 26 juillet 1896 (Ibid., p. 193-205).
24. Le 29 juin 1896, l'assemblée de la faculté de Paris s'était réunie, sous la présidence de Bufnoir, afin
de choisir les trois sujets de droit civil pour le concours général de la deuxième année, ainsi que pour
désigner les membres de la commission chargée d'examiner les compositions. Boistel, Léon Michel et
Weiss furent nommés (AN. AJ16 1796, p. 178).

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