Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 131

1897

études antérieures sur la même question générale de méthode, j'ai bien du mal à
conserver l'illusion qu'il y ait autre chose à faire qu'à vous répéter. Pourtant, je
veux encore approfondir cette question, ne fût-ce que pour ma formation personnelle et en vue d'une orientation sérieusement nouvelle que je voudrais donner à
mes propres études, ayant la perspective d'un cours de 1re année suivant les derniers
programmes pour la rentrée. Seulement, étant donné surtout ce que vous avez déjà
dit, le travail, dont je crois entrevoir les grandes lignes, me paraît demander pas
mal de lectures et de réflexions. C'est à cette période préparatoire que j'en suis
pour quelques mois assurément. Pour l'instant, je cherche à fixer les traits de la
méthode d'interprétation actuellement en vigueur. Ce n'est pas si facile qu'il le
peut paraître. Et, en tout cas, il faut convenir, que la plupart de ceux qui manient
instinctivement ces procédés si étroits, se sont peu préoccupés d'en approfondir la
valeur et le mérite. On n'en est pas moins intransigeant pour nous les imposer. La
critique de tout cela me paraît assez simple. Elle se fait presque d'elle-même. Ce
qui est plus dur, c'est de reconstruire, ou plutôt d'inaugurer une méthode à peu
près complète. Car, je suis loin de penser qu'il n'y ait rien à retenir de l'ancienne.
Seulement, il s'agit d'abord de la dégager, puis d'en retenir ce qui mérite d'être
retenu, enfin et surtout d'en corriger les excès et d'en combler les lacunes. Enfin,
j'essaierai, ne fût-ce que pour mon compte5.
Ma femme me charge de toutes ses amitiés pour Madame Saleilles. Elle sympathise bien avec elle, dans ces moments de santé un peu difficiles, qu'elle connaît
si bien elle-même. Elle me charge aussi, pour donner la suite d'un projet dont
Madame Saleilles avait bien voulu s'occuper l'été dernier de lui annoncer le
prochain mariage de sa sœur avec M. Etienne Bouchard, 2e fils de M. Antonin
Bouchard, de Beaune6. Le mariage aura lieu vraisemblablement vers la fin de Mars.
À tout cela, je joins pour Madame Saleilles mes plus respectueux hommages
et souhaits de bonne santé, et pour vous, mon cher ami, l'expression de ma bien
fidèle affection.
Fr. Gény

la question du renouvellement des méthodes d'enseignement du droit et la réforme des procédés
d'interprétation. Pour y parvenir, il sollicitait une approche des textes dirigée vers l'étude des idées
générales et synthétiques, afin que « l'apprentissage des procédés d'analyse critique » permît « l'intelligence [...] des lois sociales dans leur application aux méthodes juridiques ». R. Saleilles, « Un livre
d'introduction générale à l'étude du droit civil », RIES, 1897, t. XXXIV, p. 523-529, et spéc. p. 524.
5. Après en avoir discuté avec Saleilles lors d'une visite à la fin du mois de décembre 1896, Gény
développait l'idée, suggérée dans sa lettre du 11 juin 1895, d'une réforme nécessaire des méthodes
d'interprétation en droit. Cette réflexion donnait lieu, pour l'année 1897, à la publication d'un article
intitulé « Essai critique sur la méthode d'interprétation juridique en vue d'une orientation nouvelle
des études de droit privé » (RBES, 1897, t. VII, p. 307-362). Elle déterminait encore le « programme de
travail de Gény pour les trois années à venir » et l'édition de Méthode d'interprétation et sources (1899).
6. Fils du négociant en vin de Beaune Antonin Bouchard (1826-1917), Étienne Bouchard (18671958) épousait Suzanne Busquet en 1897.

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