Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 132

LETTRES DE FRANÇOIS GÉNY À RAYMOND SALEILLES

67 [Paris]
Dijon, 1er mars 1897
Mon bien cher ami,
Je suis péniblement surpris de ce que vous me dites au sujet de notre ancien
élève Caillet7. Ne me trompè-je pas de personne ? Celui que j'ai connu, portant
ce nom, et que j'ai eu l'année dernière à ma conférence de doctorat, devait faire
cette année son service militaire. Et, d'après ce que m'avait dit de lui M. Guignard,
notre bibliothécaire municipal8, qui s'y intéressait fort, je croyais me rappeler qu'il
devait avoir une jolie situation de fortune, qu'il avait même été très avantagé par
un oncle défunt - Enfin, que ce soit lui ou un autre - lui plus qu'un autre devraisje dire, (car celui que j'ai connu était un garçon de valeur et très digne d'intérêt) il
faut faire tout le possible pour l'aider dans sa situation actuelle.
Or, en ce qui touche le Creusot, je doute fort qu'il y trouve une situation à sa
convenance, et surtout pouvant lui offrir l'avenir qu'il mérite - Au contentieux,
il y a peu de places. Et, en dehors du poste de chef, je crois bien que les autres
ne sont guère que des offices de gratte-papier - La comptabilité et le service de
correspondance doivent assurément occuper plus de personnes. Mais ce sont des
emplois bien médiocres, qu'il faut aborder très jeune pour arriver à quelque chose
de sérieux, et par l'accès desquels j'imagine que le diplôme de licence en droit est
de bien peu de considération.
Au surplus, comme je suis assez mal édifié personnellement sur tout cela, voici
ce que je crois, pour l'instant, de plus pratique. M. Saint-Girons, le chef du contentieux de MM. Schneider et Cie, est parti hier pour Paris9. Nous l'avons vu au
passage. Il allait à Paris pour peu de jours. Mais je pense qu'il y sera encore mardi.
Il doit descendre (je suppose) à la Maison de Paris du Creusot : ou, en tout cas, on
saura là s'il est encore à Paris, où et quand on a la chance de le trouver. C'est au
n° 1 du Boulevard Malesherbes, en face la Madeleine, au premier, au-dessus ou à
côté du Restaurant Lucas. M. Caillet pourrait s'y rendre le plus tôt possible, en
sortant de chez vous et chercher à voir M. Saint-Girons. Celui-ci, que vous avez
vu, je crois, à mon mariage, est un homme très bon, très aimable et très sérieux. Et
surtout, c'est l'homme le mieux à même de renseigner M. Caillet sur les débouchés
que peuvent lui offrir, en ce moment, les bureaux du Creusot. M. Caillet pourra se
présenter à M. Saint-Girons de votre part (si vous l'y autorisez) et, en tout cas, de
7. Après s'être inscrit en doctorat en octobre 1892, Ulric Caillet (né en 1875) soutint, en juin 1900,
une thèse intitulée Essai d'interprétation des articles 826, 827 et 832 du Code civil, De la question de
leur application aux partages d'ascendants (L. Venot, Dijon). Le président était Louis-Lucas et les
suffragants Bailly et Gaudemet. Participant aux conférences de doctorat en 1898, Gény écrivait à son
égard : « Assiduité parfaite. Travail très régulier. Par ses réponses aux interrogations, M. Caillet a fait
preuve d'une solide instruction juridique » (AD. Côte-d'Or, Dossier étudiant, SM18541).
8. Lorsqu'il était étudiant en droit à Dijon, Guignard fut chargé de rédiger le rapport des fêtes
universitaires tenues à Lausanne en 1892.
9. La question du recrutement d'un ancien élève chez Schneider et Cie fut évoquée dans les lettres
des 25 et 28 mars 1894. Elle le sera encore dans celle du 22 juillet 1904.

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