Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 140

LETTRES DE FRANÇOIS GÉNY À RAYMOND SALEILLES

votre thèse. J'ai beau regarder de près l'arrêt de la Chambre civile qui vous a servi
de prétexte, je n'y peux voir la thèse que vous y découvrez21. Je sais bien que vous
prétendez plutôt l'y mettre. Mais je me demande si ce départ un peu forcé ne
risque pas de compromettre vos propres idées. En tout cas, il n'est pas douteux
que vous allez être agité et discuté ferme d'ici peu : ce n'est pas pour vous déplaire
assurément : j'imagine plutôt que cela répond absolument à vos désirs. Pour ma
part, je ne puis que vous remercier de tout ce que vous m'avez fait comprendre
ou pressentir.
Peut-être avez-vous revu ces jours-ci Bartin qui a bien voulu s'arrêter ici
quelques heures et que j'ai embarqué pour Paris, plus entrain que jamais pour
son projet, et prêt à le lancer après avoir pressenti à Paris les chefs de file22.
Pour moi, j'en suis toujours à élaborer l'article dont je vous ai écrit ou parlé jadis.
Cela a pris des dimensions plus étendues que je ne croyais. Avant de procéder à une
critique en forme de la méthode juridique encore dominante, je me suis vu obligé
d'en présenter un exposé résumé, que je ne trouvais satisfaisant nulle part. Cela m'a
pris bien des pages. Et sans prévoir encore le terme de mes développements, que
je serre pourtant autant que possible, je crains fort dès maintenant de dépasser la
mesure de l'hospitalité que pourrait m'offrir une Revue aussi peu technique que la
revue internationale de l'Enseignement23. Dès maintenant, j'aurais bien pour deux
articles de 25 pages imprimées chacun (ce qui me paraît un maximum par numéro)
et j'en prévois au moins autant pour le reste24. Car j'ai à peine commencé la partie
critique et reconstructive qui doit être évidemment la plus soignée et qui reste de
beaucoup la plus délicate. Tant que celle-ci ne sera pas terminée, ou, du moins,
fortement amorcée, je considère le travail comme en l'air et à l'état de projet. Je
voudrais bien pourtant le mener à terme pendant les vacances, d'autant qu'on m'a
à peu près infligé d'avance, un cours complémentaire de droit international privé
pour l'année prochaine25.
Adieu et à bientôt je pense. Donnez-nous le plus possible de vous à votre
passage. Et, à tout le moins, annoncez-vous. Ma femme adresse ses meilleurs
souvenirs à Madame Saleilles. J'y joins mes hommages respectueux et vous prie
de croire à toute mon amitié.
Fr. Gény
21. Evoquée dans sa lettre du 18 mars 1897, cette étude d'un arrêt de la Chambre civile doit probablement correspondre à la note publiée par Saleilles sous l'arrêt Teffaine. (DP 1897, 1, p. 433-441).
22. Ce projet de création d'une association de juristes avait été évoqué dans la lettre du 2 avril 1897.
23. La Revue internationale de l'enseignement ne comporte aucune publication de Gény en 1897.
24. Ces deux articles déjà évoqués précédemment furent publiés en 1897 et 1898 dans la Revue
bourguignonne de l'enseignement supérieur (1897, t. VII, p. 307-362 ; et 1898, t. VIII, p. 119-165), sous
le titre « Essai critique sur la méthode d'interprétation juridique en vue d'une orientation nouvelle des
études de droit privé ».
25. En supplément de son cours de Code civil dispensé depuis 1892 à Dijon en la qualité de professeur, Gény était chargé d'un cours complémentaire de droit international public pour l'année scolaire
1895-1896. Pour les années 1897-1898 et 1900-1901, il dispensa également un cours complémentaire
de droit international privé pour la licence.

140

Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles

Table des matières de la publication Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles