Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 145

1897

75 [Paris]
Dijon, 23 juillet 1897
Mon bien cher ami,
Merci d'avoir bien voulu faire pour moi auprès de M. Larnaude une démarche
d'autant plus ennuyeuse que l'issue défavorable en était certaine34. Depuis que
j'avais vu sur le dernier numéro de la Revue de l'Enseignement transformée, j'avais
compris qu'il ne fallait pas songer à lui proposer un travail de longue haleine35.
Et je ne vous laissais faire, abusant peut-être un peu de votre complaisance, que
pour en avoir le cœur net. - Ayant réfléchi à tout cela ces jours derniers, je partage
absolument votre avis qu'il ne faut pas frapper à la porte de la Revue critique, ni
d'une autre publication, du même genre. Si je n'éprouvais pas de refus absolu, je me
heurterai à des exigences et à des conditions qui m'entreverraient beaucoup trop.
Je m'étais donc de suite décidé à profiter de l'accueil large et empressé de la Revue
bourguignonne, d'autant plus que les pourparlers avaient été engagés d'avance en
prévision de l'éventualité qui se réalisait. À certains égards, cela m'allait beaucoup
mieux. J'étais absolument maître des dimensions et de la forme de mon travail.
Je pouvais en publier dans le prochain numéro peu ou beaucoup à mon gré. Je
commençais par donner la première partie que j'ai prête, sauf à voir si, grâce aux
loisirs des vacances, je ne pourrai pas d'ici à Novembre, y joindre la seconde dont
les matériaux sont à peu près réunis, et la rédaction reste seule à faire. Avec cela,
je pourrais, je crois, obtenir des conditions fort acceptables pour un petit tirage à
part - Cela allait tout seul - Et voilà que je me trouve entravé dans mes arrangements par un télégramme un peu énigmatique de Bartin, qui me demande de ne
m'engager d'aucun côté, avant d'avoir reçu une lettre qu'il m'annonce. J'attends
celle-ci. Mais je doute qu'elle modifie mes résolutions. Et la raison principale,
pour moi du moins, c'est que la chose est entendue avec la Revue bourguignonne
dans des conditions que me rendent la retraite difficile. D'autre part, je persiste à
penser comme je vous l'ai dit, je crois, que mon modeste et théorique travail serait
une fâcheuse amorce pour l'œuvre de Bartin, dont la tendance est fort distincte. Je
ne puis, moi, qu'indiquer les études de jurisprudence historiques comme un des
moyens pratiques de découvrir les voies d'une nouvelle méthode. Ce n'est donc
pour moi qu'une conclusion secondaire. La conclusion générale est une affirmation
d'idées que peu de personnes, je crois, sont disposées à accepter pour l'instant,
et qui par conséquent nuirait bien plus qu'elle ne pourrait servir à l'entreprise de
Bartin36.

34. Cf. lettre du 30 juin 1897.
35. En 1897, Edmond Dreyfus-Brisac, rédacteur en chef de la Revue internationale de l'enseignement, fut remplacé par François Picavet. Celui-ci demandait des articles de fonds courts, dont les
thèmes devaient correspondre aux diverses sections de la Société d'enseignement supérieur. RIES,
t. XXXIV, juillet-décembre 1897, p. 1-3.
36. Sur la collection de Bartin, voir les annotations de la lettre du 2 avril 1897.

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