Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 162

LETTRES DE FRANÇOIS GÉNY À RAYMOND SALEILLES

récents60. Malheureusement la plupart des collections de documents ou des livres
fort intéressants que vous me signalez nous manquent ici. Ils sont si nombreux
déjà et j'en aurais tant d'autres encore à y ajouter que je serai obligé, soit en en
demandant pour notre bibliothèque, soit en m'en procurant directement quelquesuns, de faire une sélection sévère. L'essentiel de ce que je voudrais pour l'instant
connaître se trouvera sans doute dans la notice sur le Code civil allemand, que vous
avez rédigée pour l'annuaire de législation étrangère de 1897, et dont vous m'avez
dit naguère un mot61. Mais, quand ce volume paraîtra-t-il ? Trop tard sans doute
pour que j'en puisse tirer profit dans l'intérêt de mon travail actuel.
J'ai lu hier l'article que vous avez donné à la Revue internationale de l'Enseignement sur le livre de Capitant62. Cela m'intéressait d'autant plus que je suis
maintenant attelé, pour mon Cours, à cette partie générale, que je trouve passablement ardue63. Je ne sais quelle est l'impression des professeurs qui l'ont déjà
sérieusement tentée. J'avoue, pour ma part, quelque déception. J'avais cru pouvoir,
en la restreignant à quelques points capitaux et la concrétisant autant que possible,
la faire assez forte et bien nourrie. Expérience faite, bien que non terminée encore,
j'incline de plus en plus à en revenir à un exposé beaucoup plus léger, que d'ailleurs j'ai toujours eu l'habitude de faire, même avant la réforme des programmes.
Mais, en somme, j'en resterais à l'idée que la vraie place d'une partie générale serait
en doctorat, si l'on pouvait la faire substantielle et la pousser jusqu'au fond. Au
début de la licence, il ne peut s'agir, ce me semble, que de faire sentir le rôle du
Droit dans la vie sociale, en démêlant du reste les faits qu'il régit, et en esquissant
légèrement sa technique. À cet égard, d'ailleurs, l'ouvrage de Capitant est précieux
comme indication et vous avez merveilleusement mis en relief tous les services
qu'il peut rendre.
Je sors de chez Deslandres, qui va décidément bien mieux depuis trois jours. Il
commence à se lever une heure ou deux dans la journée, c'est-à-dire bien entendu
qu'il échange seulement son lit pour son fauteuil. Le meilleur indice d'une remonte
me paraît être dans son état général. Ses mouvements deviennent plus aisés, sans
être encore souples. Il s'alimente convenablement. Et il cause volontiers. D'après
ces progrès, et s'il ne survient ni rechute ni arrêt, j'espère qu'après nos vacances de
nouvel an, qui sont placées du 2 au 9, il pourra reprendre sa vie, sauf des précautions d'hygiène, qui resteront sans doute longtemps nécessaires. Il m'a chargé de
vous remercier d'une lettre qu'il a reçue de vous et de vous dire qu'il serait heureux
de vous voir à votre prochain passage ici. Il est d'ailleurs étonnant de patience et
de résignation.
Nous avons été tout-à-fait heureux d'apprendre, de divers côtés, que vous aviez
de bien meilleures nouvelles de la santé de Madame votre mère. Ce sera une vraie

60. Gény demanda à Saleilles quelques-uns de ces ouvrages dans sa lettre suivante.
61. R. Saleilles, « Notice sur le Code civil pour l'Empire d'Allemagne », Annuaire de législation
étrangère, Société de législation comparée, Paris, 1897, t. XXIV, p. 151 et s.
62. R. Saleilles, « Un livre d'introduction générale à l'étude du droit civil », op. cit.
63. Henri Capitant avait précisément traité de cette partie générale du droit dans son Introduction
à l'étude du droit civil, Paris, A. Pedone, 1898.

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