Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 231

1899

jours, une petite consultation que j'avais promise en juillet à M. Nourissat54. Puis,
je m'occuperai du compte-rendu du livre de M. Bufnoir, dont j'ai entre-temps
achevé la lecture qui a comblé tous mes vœux. La partie, relative aux obligations, surtout, m'a paru un vrai chef d'œuvre d'enseignement scientifique à la fois
limpide et substantiel. Il n'est peut-être pas bien facile d'analyser l'impression
qu'on en éprouve et de la justifier par des formules appropriées. Mais il est
sûr que l'impression est forte et je tâcherai, du moins, d'en démêler quelques
raisons. - Dans quelque dix jours j'espère entrer tout à fait dans le Familienrecht.
Quand je serai un peu orienté dans mon vaste domaine et que j'aurai pris une idée
de ce que je puis faire, j'aurai sans doute à vous demander des conseils plus précis.
Pour l'instant, je m'en tiendrai à la ligne de direction que vous m'indiquez, et qui
a du moins l'avantage de diminuer le travail matériel en imitant les dimensions de
l'œuvre. Peut-être regretterai-je plus tard ces lisières ? Pour l'instant, j'y trouve
plutôt un encouragement.
J'entends déjà parler des vacances du 1er janvier. Peut-être nous seront-elles
l'occasion d'une visite de votre part, si d'ailleurs vous venez faire un tour en
Bourgogne. Pour nous, nous sommes cette fois encore retenus par notre attente,
qui n'est que pour la fin de Janvier, mais qui dès maintenant commande le grand
calme. Au surplus, tout va bien et nous commençons à jouir de notre expérience.
Avez-vous vu que le bon exemple, venu de votre côté, avait été heureusement
contagieux et que le succès d'Eugène Gaudemet avait déterminé une nouvelle
réconciliation, qui semblait autrement difficile que la première ? Je n'en croyais
pas mes yeux, l'autre jour, de voir Gaudemet et Bonneville s'entretenir avec la plus
chaude cordialité55. C'était pourtant ainsi. Je n'en sais pas plus d'ailleurs, et j'ignore
de quel côté ont été faits les premiers pas. Quoiqu'il en soit de ce détail, tout est
bien. Et n'était une vieille rancune, d'origine assez sotte, qui éloigne encore de
Suze56 de notre doyen57, nous pourrions former le temple de Janus. J'espère bien,
avant mon départ probable dans deux ans, goûter la douceur d'une pleine Paix
dijonnaise, que je n'ai pas encore connue.
Je termine sur cet espoir, en vous félicitant plus que jamais d'un succès,
auquel vous avez eu si grande part. - Veuillez, je vous prie, offrir mes respectueux hommages à Madame Saleilles et agréer l'assurance de mon bien cordial
attachement.
Fr. Gény

54. Gilbert Nourissat (1852-1937) fut avocat à la cour d'appel de Paris en 1875, puis à celle de Dijon à
partir de 1880, avant d'exercer les fonctions de bâtonnier et conseiller général de la Côte-d'Or (Canton
de Grancey-le-Château). Sa fille, Marie Nourissat, épousa le 27 juin 1922 le professeur Pierre LouisLucas, le fils du professeur Paul Louis-Lucas (1853-1919).
55. Le dossier personnel de Bonneville faisait mention de son caractère difficile, qui l'avait conduit à
provoquer en duel son collègue Gaudemet en 1892 (AN. F17 20216). Bonneville est également mentionné
par Gény dans sa lettre du 8 février 1898.
56. Sur de Suze, voir les annotations de la lettre du 27 septembre 1894.
57. Il s'agissait d'Ernest Bailly (1851-1912).

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