Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 255

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qu'elle veut bien nous faire par votre intermédiaire, de s'arrêter ici en allant de
Lyon à Paris.
Sauf éventualités absolument imprévues, nous serons certainement rentrés
tous ici pour les premiers jours de Mai, et il nous sera aussi facile qu'agréable
de recevoir Madame Charvériat aussi complètement qu'elle voudra bien nous le
permettre - avec son fils, bien entendu, s'il peut l'accompagner49.
Deslandres va pas mal et a surmonté mieux et plus vite que je n'osais l'espérer,
la désespérance causée par son récent deuil. Je le constate surtout à ce qu'il s'est
remis très vite au travail personnel et qu'il poursuit avec ardeur et enthousiasme
la belle série d'articles, inaugurée dans le dernier n° de la Revue Larnaude50. En
même temps, il n'oublie pas la politique pratique, locale ou autre. On ne saurait
trop admirer et presque envier ces convaincus !
Examinant ce que je pouvais faire en vue d'entraîner des adhésions à votre
Congrès de droit comparé, je n'ai trouvé qu'une chose que j'ai réalisée de suite.
J'ai écrit à Gauckler de Nancy, pour qu'il fît un peu de propagande là-bas, où il y
a un milieu assez actif, bien qu'un peu trop exclusif et local51. Ici, vous connaissez
la situation. Nous n'avons prise sur aucun des anciens. Quant aux autres, le fossé
officiellement ouvert entre sciences juridiques et sciences politiques ou économiques gêne beaucoup notre apostolat. Et puis je crois bien qu'au fond on pense
que la place faite à la province dans ces congrès est mince, étant donné surtout
que l'Administration n'a pris aucun engagement pour assurer notre liberté un peu
plus tôt que les autres années.
À bientôt, et en tout cas, si votre prochain passage, j'espère. Je reste bien cordialement vôtre.
Fr. Gény

49. En 1888, Catherine Récamier (1867-1957) épousa à Paris François Charvériat (1854-1889), docteur
en droit (1880), qui avait été agrégé à l'école de droit d'Alger (1884). Contemporain de Gény à l'école
de droit d'Alger (1887-1890), Charvériat ne quitta pas cette institution lors de sa courte carrière universitaire, qu'il poursuivit en qualité de professeur de droit romain et de droit maritime. Le père de
François Charvériat, Émile (1826-1904), était notaire et académicien de la ville de Lyon.
50. Dans la Revue du droit public fondée par Larnaude en 1894, Maurice Deslandres publia plus
de six articles dont l'objet était de diagnostiquer une « crise de la science politique ». Voir la lettre du
19 mai 1900. Cette série d'articles donna lieu à une publication préfacée par Larnaude : M. Deslandres,
La crise de la science politique et le problème de la méthode, Paris, A. Chevalier-Marescq, 1902. Voir
R. Saleilles, « Y a-t-il vraiment une crise de la science politique », RPP, 1903, t. XXXVI, p. 91-123
(texte publié et commenté par C.-M. Herrera, Paris, Dalloz, 2012). Sur ce débat, voir G. Sacriste,
« Droit, histoire et politique en 1900. Sur quelques implications politiques de la méthode du droit
constitutionnel à la fin du xixe siècle », Revue d'histoire des sciences humaines, 2001/1, n° 4, p. 69-94.
51. Parmi les auteurs de rapports au Congrès international de droit comparé, on ne comptait aucun
nancéen. En revanche, trois professeurs dijonnais rédigèrent des rapports, à savoir Maurice Deslandres
(Observations sur la fonction de la science du droit comparé par rapport au droit public), Albert Tissier
(Note sur la communauté d'acquêts envisagée comme régime de droit commun, et sur la preuve des
apports mobiliers) et Marcel Mongrin (Les associations et la personnalité).

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