Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 280

LETTRES DE FRANÇOIS GÉNY À RAYMOND SALEILLES

167 [Gigny]
La Machine (Nièvre), 21 septembre 1900
Mon bien cher ami,
Ce matin m'arrive à la fois la lettre que vous m'aviez adressée à Raon-l'étape et
le mot écrit à la suite. J'y réponds à la hâte pour vous dire de suivre exclusivement
les convenances de Charmont et les vôtres, sans compter sur moi. Je n'avais pas
songé sérieusement à m'arrêter à Gigny, en revenant de Lorraine, d'abord parce
que j'accompagnais toute ma bande, à laquelle je m'imagine rendre encore quelques
services, que du moins ma conscience de père de famille ne me permet pas d'abandonner toujours et comme de parti pris à elle-même, même quand je puis faire
autrement, d'autre part, parce que j'étais bien persuadé que vous n'étiez pas encore
rentré ; et de fait, au passage de l'express devant votre charmant cottage nous avons
vu toutes les fenêtres closes. Vous avez dû arriver à Beaune un jour ou deux après
que nous l'avions traversée. Actuellement, je n'entrevois aucune éventualité qui
m'appelle de votre côté avant la fin d'octobre. Il est même probable - comme
nous ne pensons pas venir ici avec toute notre marmaille pour le congé de Pâques
1901, - que nous prolongerons un peu cette fois notre saison d'automne, et que,
sauf imprévu, nous ne regagnerons Dijon que vers le 29 octobre. En tout cas,
je ne puis raisonnablement espérer vous voir d'ici au 10 octobre, et par conséquent, il vaut mieux que vous preniez dès maintenant rendez-vous avec Charmont
suivant vos possibilités réciproques, et sans aucunement vous préoccuper de moi.
D'ailleurs, je ne jouerais qu'un rôle passif dans votre échange d'idées au sujet de la
collection projetée par M. Larnaude89. Comme je l'ai écrit et répété verbalement
à M. Durand-Auzias, comme je crois vous l'avoir dit aussi, je tiens à m'abstenir
de tout engagement, de quelque nature que ce soit, tant que je n'entrevois pas le
terme de ma collaboration au Code allemand, ce qui me renvoie, au moins, à la fin
1902. À ce moment, je verrai que faire, si le projet tient et que la place ne soit pas
prise. Mais, comme sans doute le projet ne peut attendre aussi longtemps avant
de s'organiser, je préfère, pour l'instant, faire place nette, en demandant que l'on
ne compte pas sur moi.
Depuis quinze jours environ que nous sommes ici, j'ai pu me remettre à la
traduction du B.G. que j'avais presque entièrement délaissé depuis Pâques. Si cela
ne va pas bien vite encore, du moins jamais n'y ai-je travaillé aussi tranquillement.
Malheureusement, je vais être bientôt obligé de suspendre encore ce travail, pour
me mettre à l'absurde corvée du discours de rentrée de notre Université90. Avec
des histoires de ce genre, comment voulez-vous que l'on avance ?

89. Fondateur de la Revue du droit public en 1894, Ferdinand Larnaude envisageait, comme Gény
l'expliquait dans sa lettre du 21 avril 1901, de réaliser un « Traité de droit civil, pour faire partie d'une
Bibliothèque des sciences juridiques et politiques ». Il proposa ainsi à Gény de participer à la partie
concernant le contrat de mariage. Sur Larnaude, voir les lettres des 1er avril et 19 mai 1900.
90. Rapp. Conseil de la faculté de Dijon du 20 janvier 1900, AD. Côte-d'Or, SM18419, p. 173. Le
discours de rentrée prononcé par Gény à la faculté de Dijon eut pour thème « La notion du droit positif

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