Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 32

LETTRES DE FRANÇOIS GÉNY À RAYMOND SALEILLES

beau-frère21, il était naturel que je retinsse pour moi le plus gros du travail. Ces
explications, peu intéressantes, excuseront, je pense, auprès de vous, le retard de
ma réponse. Il était bien contre mon gré, je vous assure. Franchement, je n'ai pu
faire autrement. Et, j'ai dû négliger d'autres devoirs.
Mon retard me vaut de vous écrire sous une impression moins triste que je ne
l'aurais fait plus tôt. Votre dernière lettre, muette sur la santé des chers vôtres, me
laisse espérer que le mieux, que vous me signaliez précédemment dans la santé de
Madame votre mère s'est plutôt accentué. Et, puisque vous ne me parlez plus des
souffrances de Madame votre grand-mère, j'en conclus qu'elles sont au moins
adoucies et que votre chère aïeule se trouve maintenant dans une période d'accalmie
que sa robuste constitution vous permet de lui procurer au moyen des calmants.
Vous savez combien je m'associe de cœur à vos alternatives de crainte et d'espoir,
moi qui ai connu tant de phases douloureuses, et qui ne puis songer à mes amis
sans leur désirer avant tout de conserver ceux que j'ai vu partir prématurément.
Je compte donc sur votre bonne amitié pour me tenir au courant et me permettre
de partager plus efficacement vos joies et vos peines.
Pour ne pas oublier la petite question de votre dernière lettre, j'y viens de
suite. Vous savez, je crois, que celle que vous qualifiez ma cuisinière n'est qu'une
femme de journée que j'emploie, en effet, à Dijon, pour tous les soins de mon
ménage. En fait de cuisine, il me faut en attendre rien que de très ordinaire et de
très simple, si l'on ne veut éprouver une désillusion. Ceci dit, pour vous prévenir,
voici l'adresse demandée : Mme Marie Chevillard, rue du Gaz, 52 à Dijon. Je dois
vous dire encore que c'est une mère de famille, qui a des enfants assez jeunes. Ceci
pourrait lui rendre difficile de quitter Dijon. Pourtant, comme son mari ne fait
pas grand-chose et peut garder les enfants qui ne sont plus d'un âge où la mère
est indispensable, peut-être consentirait-elle à aller à Gigny, s'il ne s'agissait que
de quelques jours. À vrai dire, je ne puis rien présumer de positif à cet égard. Et
je suppose bien qu'elle doit être assez en peine de trouver des heures de journée à
Dijon à ce moment de l'année. Si vous le désirez, je lui écrirai. Mais si vous deviez
aller à Dijon, vous sauriez mieux à quoi vous en tenir en lui écrivant d'aller vous
trouver chez vous.
Vous êtes bien heureux que les vacances n'interrompent pas complètement
pour vous les relations de collègues, puisque vous recevez si souvent des visites.
En Lorraine, hélas ! la même aubaine ne peut me venir22. Il est vrai que les vacances
21. En 1892, François Gény avait cinq sœurs. La plus âgée, Marie (1863-1917), devint Petite Sœur des
pauvres. Thérèse (1865-1945) épousa Pierre Aubry (26 février 1889) et Élisabeth (1870-1909) se maria
avec Auguste Benoît (23 juin 1892), avocat. Le nouveau beau-frère évoqué dans cette lettre est donc
Auguste Benoît et la sœur qu'il mentionne, Élisabeth. Mathilde (1878-1971) épouse Charles Beaudoin
(notaire) en 1899 et Marguerite (1879-1930) s'unit en 1902 à Georges Renard (1876-1943). Proche de
Gény, cet avocat publiera quelques articles dans la Nouvelle Revue historique de droit français et étranger (Lettre du 2 juin 1902), puis devint professeur de droit public à Nancy en 1920. Le décès en 1904 de
Pierre Aubry, Baron d'Empire et Garde général des Forêts, eut une incidence directe sur les activités
de François Gény, qui dut gérer pendant quelques années les affaires de son neveu mineur, au détriment de ses travaux scientifiques (Lettres des 17 septembre, 1er novembre 1904 et 21 septembre 1905).
22. La commune de Gigny où Saleilles résidait se situe à une cinquantaine de kilomètres de Dijon,
alors que le lieu de villégiature de Gény, Raon-l'Étape, en est éloigné de plus de deux cents soixante
kilomètres.

Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles

Table des matières de la publication Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles