Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 33

1892

me sont surtout précieuses pour resserrer les liens de famille que l'éloignement
relatif de Dijon distend un peu pendant l'année. C'est surtout de jeunesse que je
suis entouré. Et je trouve assez à faire dans ce milieu pour n'avoir pas à chercher
beaucoup en dehors des occasions d'exercer mon activité. Malheureusement,
l'autorité d'un frère n'est pas toujours proportionnée aux devoirs qui lui incombent
vis-à-vis des plus jeunes et les grands soutiens naturels une fois perdus n'ont jamais
leur équivalent23.
J'admire beaucoup et bien sincèrement, je vous assure, l'intérêt que vous prenez
aux choses et aux gens qui vous entourent. J'y applaudis de plein cœur. Car je n'ai
jamais trouvé rien de si vain ni de si sot que cette morgue bourgeoise qui a bien
malheureusement remplacé les idées aristocratiques disparues, sans même avoir
leur raison d'être ni leur prétexte.
En fait de travail, je n'ai absolument rien fait jusqu'ici. Et je prévois que je ne
ferai rien de sérieux tant que je me sentirai en vacances. Aussi mon intention est-elle
de regagner Dijon vers le 10 octobre pour anticiper un peu le travail normal de
l'année.
Je n'attendrai pas cette date je l'espère, pour échanger encore quelques pensées
avec vous. Pour aujourd'hui, il me faut vous quitter. Ne m'oubliez, je vous
prie, ni à Beaune auprès de vos parents ni à Gigny auprès de Madame Saleilles.
Permettez-moi de vous confier une bien affectueuse caresse pour Jean et agréez
mon plus cordial souvenir.
Fr. Gény

6 [5 rue Legoux-Gerland, Dijon]
Raon-l'Étape (Vosges), 9 septembre 1892
Mon cher ami, Deslandres, en m'apprenant hier l'entrée en ce monde de son
premier-né, me fait savoir aussi vos nouvelles inquiétudes : ce qui me fait grande
peine et me détermine à vous dire sans retard combien j'y compatis en même temps
que je vous souhaite de tout mon cœur d'en être au plus tôt délivrés. D'après ce
que je comprends, votre petit Jean aurait éprouvé à Beaune une indisposition
23. En 1892, François Gény avait perdu prématurément deux frères : Joseph (1857-1887), inspecteur
des Eaux et Forêts, décédé en raison d'une chute accidentelle ; André (1867-1891), qui décéda lors de
son service militaire. Parmi ses frères les plus âgés, Maurice (1854-1906) était ingénieur X, Mines de
Paris, et deviendra directeur de MM. Schneider et Cie, et Pierre (1860-1949), ordonné prêtre en 1891,
deviendra Provincial des jésuites. Paul (1871-1925) avait alors 21 ans et Jean (1874-1965) était âgé de
18 ans. François Gény avait également perdu ses deux parents. Son père, Alfred Gény (1832-1881),
garde général à Baccarat (1857-1862), puis inspecteur des Eaux et Forêts à Thionville, décéda le 29 mars
1881 à Nancy et sa mère, Marie-Eugénie Huin, en 1891.

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