Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 65

1894

24 [Beaune]
Nancy, rue Gambetta, 26, 25 Mars 1894
Mon cher ami,
Votre lettre m'arrive à l'instant même de partir pour la montagne. Je comprends
tout l'intérêt de la situation dont vous me parlez, et je désire vivement que vous
trouviez au plus vite quelque chose pour le jeune homme qui vous intéresse. Quant
à savoir si ce quelque chose se peut rencontrer au Creusot, je ne m'en rends pas
compte a priori, ne connaissant pas bien les exigences des emplois qu'offre la
métallurgie4. Mais mon frère pourra nous donner là-dessus des indications utiles.
Comme je sais qu'il doit partir très prochainement pour la Russie, je m'empresse
de lui envoyer votre lettre en lui recommandant chaudement la cause qui vous tient
à cœur. Je trouverai une réponse à mon retour, de quatre à cinq jours d'ici, et je
vous en ferai part au plus tôt. S'il y avait quelque chose de possible au Creusot, il
y aurait peut-être lieu d'en écrire à M. Saint-Girons5 qui, je le sais, s'occupe d'une
bonne partie du personnel, et qui serait très sensible à une recommandation de
M. Bufnoir6. Enfin, attendons un peu de ce côté, si vous ne trouvez pas d'autre
part7.
Tout le monde qui m'intéresse ici est en bon état de santé : y compris ma grandmère, qui se soutient étonnamment bien j'en suis tout heureux.
Mais il faut que je vous quitte pour le train dont l'heure arrive. Je confie à cette
fin de lettre tous mes compliments respectueux pour les vôtres et pour vous mes
meilleures amitiés.
Fr. Gény
4. À plusieurs reprises dans sa correspondance, Saleilles recommandait à Gény certains élèves pour
exercer une activité dans les usines du Creusot. Voir les lettres des 1er mars 1897 et 22 juillet 1904.
5. Voir A. de Badereau, « La fonction de directeur au Creusot sous les Schneider jusqu'au début du
xxe siècle », Bulletin de l'Académie François Bourdon, Janv. 2001, n° 1.
6. Sur l'itinéraire de Bufnoir, voir N. Hakim, « De l'esprit et de la méthode des civilistes de la seconde
moitié du xixe siècle... », op. cit., p. 50 et s.
7. Gény fait ici une discrète référence à ses liens familiaux avec la famille Schneider, qui possède au
Creusot l'un des plus importants centres industriels du pays. François Gény est un petit cousin d'Eugène II Schneider. Son frère Maurice Gény, qu'il mentionne très souvent dans sa correspondance, est
au service des Schneider à Paris depuis 1891. En 1894, il devient même ingénieur en chef des Entreprises
Schneider du Creusot, puis directeur général en 1897, avant de décéder neuf ans plus tard d'un accident
au cours de la visite d'un chantier naval. Il est certain que François Gény a entretenu des relations
avec les Schneider. D'une part, il les fréquente au moment des vacances d'été qu'il passe en partie à
la Machine, une petite ville industrielle proche du Creusot où les Schneider exploitent une mine de
charbon. D'autre part, il s'intéresse à leurs affaires, soit comme consultant (F. Gény, Affaire Schneider
& Cie contre la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris. Consultation pour MM. Schneider
et Cie, Nancy, Berger-Levrault, 1903), soit comme arrêtiste (par exemple, sa note sous un arrêt de
la cour d'appel de Dijon rendu le 30 décembre 1896 entre Schneider et Cie et M. Gouthière : RBES,
1897, t. VII, p. 151-231). Sur les liens de Gény avec la famille Schneider, voir l'interprétation proposée
par M.-C. Prémont, « François Gény et les enjeux de la responsabilité civile », dans C. Thomasset,
J. Vanderlinden et P. Jestaz (dir.), François Gény, Mythe et réalités, Yvon Blais, Dalloz et Bruylant,
2000, spéc. p. 104-106.

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