Hors collection - Lettres de François Gény à Raymond Saleilles - 67

1894

26 [Gigny]
La Machine (Nièvre), 10 juillet 1894
Mon bien cher ami,
En arrivant de la Loire, où je suis allé faire la connaissance d'une nombreuse
partie de ma future belle-famille9, je trouve ici une très aimable surprise de
Madame Saleilles et de vous sous forme d'un charmant bronze de Barbedienne10,
représentant un modèle que j'ai toujours beaucoup aimé, autant pour l'idée qu'il
évoque que pour l'expression saisissante que l'artiste a su lui donner. Ma fiancée,
qui partage mon admiration pour le chef d'œuvre de Chaper, joint ses remerciements aux miens pour ce précieux souvenir de notre double amitié, qui nous
va au cœur comme gage des affectueuses relations que nous sommes désireux et
bien assurés aussi de voir s'établir de vous à nous. Il me semble que la sympathie
qui nous unit déjà ne pourra que s'accroître par le fait du changement d'état qui
me menace. Et je ne doute pas que Madame Saleilles m'inspire, dès les premières
rencontres, à ma future femme, les mêmes sentiments de cordiale et étroite affection
que j'ai éprouvés pour vous, à mon arrivée à Dijon et que la suite de nos rapports a
affermis et développés. Nous ferons tout pour mériter d'être ensemble de vos bons
amis. Il faut bien vous faire oublier certaines amertumes nées de l'amitié elle-même
et vous montrer que l'on sait reconnaître toute la sincérité et la solidité de votre
affection ; ceux-là seuls peuvent l'oublier un moment qu'aveugle un prétendu froissement d'intérêts ou qu'aigrissent des déceptions impatiemment subies.
Je serais bien tenté de vous gronder un peu d'avoir choisi à notre intention un
cadeau beaucoup trop beau qui va plus loin qu'un souvenir de vos affectueuses
pensées pour le moment solennel dont je m'approche. Mais j'aurais mauvaise grâce
à insister sur ce qui n'est qu'excès de généreuse affection de votre double part.
Je préfère donc y trouver un motif d'accentuer notre commune reconnaissance.
Et en vous priant de la faire agréer à Madame Saleilles, ainsi que mes respectueux
hommages que j'adresse en même temps à vos parents, je vous réitère toute mon
affection et vous serre bien cordialement les deux mains.
Fr. Gény

9. François Gény épousa Antonie Busquet (1873-1966), l'aînée des deux filles d'Horace Busquet
(1839-1931) et de Marie Balaÿ (1852-1912). Horace Busquet était le fils d'un négociant en tissus et en
soierie de Toulouse. Diplômé de l'École des Mines de Saint-Étienne, il dirigea la principale mine de
charbon de Schneider et Cie à La Machine (Nièvre), avant de devenir ingénieur en chef du domaine
minier de Schneider et Cie en 1896. Il résida à La Machine jusqu'en 1929, puis à Beaune où il décéda
en 1931.
10. Associé à l'ingénieur Achille Collas (1795-1859), Ferdinand Barbedienne (1810-1892) reproduisait
des objets d'art en bronze selon un procédé technique nouveau. Après avoir fondé son entreprise en
1839, il commença à reproduire un grand nombre des bronzes et des statues des musées d'Europe de
l'Antiquité grecque et romaine. À ce titre, il obtint plusieurs distinctions internationales.

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