Hors collection - Recueil de leçons de 24 heures - 102

L'ÉTRANGER

résultat étranger à l'union matrimoniale. Au contraire, le mariage de l'étranger ne
sera pas annulé lorsqu'il a simplement cru pouvoir en limiter les effets légaux. Or,
l'étranger qui ne cherche, par le mariage, qu'à obtenir la nationalité française,
poursuit un résultat étranger à l'union matrimoniale.
Comble du paradoxe, donc : on contrôle a posteriori l'étranger pour l'empêcher d'utiliser l'institution matrimoniale aux fins précisément de renoncer à son
statut... d'étranger ! Et la nullité qui est encourue est absolue, ce qui lui confère
de nombreuses vertus. Le contrôle de la volonté qui a animé l'étranger candidat
au mariage peut ainsi se faire, par exception au droit commun de la prescription,
pour une durée de trente ans. De surcroît, tout intéressé pourra agir, ce qui
confère à ce contrôle des intentions de l'étranger une portée exceptionnelle !
Contrôler l'étranger, que ce soit a priori ou a posteriori, constitue donc une
conséquence naturelle de la méfiance légitime à l'endroit de l'étranger. Mais le
droit prévoit aussi d'aller plus loin et, à certains égards, de rejeter l'étranger, c'està-dire non plus seulement de garder un œil attentif sur lui, mais bien de le mettre
plus radicalement à l'écart du groupe.
2. Rejeter l'étranger ! Une telle façon de procéder n'est-elle pas trop brutale dans une société civilisée ? Et pourtant, on en conviendra aisément : rejeter
l'étranger se justifie bien dans les hypothèses où il en va de la sauvegarde même de
cette société ! Plus précisément, le droit s'attache alors à rejeter l'étranger tantôt
pour des motifs de souveraineté nationale, tantôt pour des raisons d'ordre public.
a) Le droit va parfois rejeter l'étranger au nom même de la souveraineté nationale. Ainsi, l'étranger est tenu à l'écart de certaines fonctions particulières. C'est
le cas topique de la fonction juridictionnelle. La raison en est fort simple : si la
justice est rendue au nom du peuple français, l'étranger n'a aucune légitimité à la
rendre, car il ne fait pas partie du peuple au nom duquel la justice est rendue ! Le
droit s'efforce donc de rejeter l'étranger de la magistrature, comme de la juridiction administrative. Le fait de rejeter l'étranger au nom de cette protection de la
souveraineté nationale s'exprime aussi plus généralement par l'interdiction qui est
faite à l'étranger d'occuper certaines fonctions parajudiciaires, comme celles de
conciliateurs de justice, de membre de commission de conciliation ou de médiateur appelés à intervenir dans les conflits collectifs du travail.
Mais le fait de rejeter l'étranger se vérifie également s'agissant de certaines
fonctions administratives. Le principe de la libre circulation des travailleurs
n'est alors pas applicable comme l'indique expressément le Traité de fonctionnement de l'Union européenne. C'est ainsi légitimement que l'État peut réserver
aux nationaux certains emplois de l'Administration publique, et précisément
ceux faisant participer à l'exercice de la souveraineté de l'État, comme la police ou
le FISC, et les emplois de direction dans les ministères.
L'absence de fonction politique constitue un signe supplémentaire de la mise
de l'étranger à l'écart de la souveraineté nationale. L'absence du droit de vote de
l'étranger à une quelconque élection, même au seul échelon municipal, se vérifie
encore aujourd'hui, malgré des velléités politiques !

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