Hors collection - Recueil de leçons de 24 heures - 139

OLYMPE DEXANT-DE BAILLIENCOURT

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l'économie, soit directement en la cantonnant soit, plus insidieusement, en la
dédaignant. La domination du droit sur l'économie peut ainsi prendre la forme,
d'abord, d'un cantonnement de l'économie par le droit ; ensuite, du dédain du
droit à l'égard de l'économie.
1. Le droit cantonne l'économie. Là où il existe des impératifs supérieurs, le
droit soustrait certains domaines de l'emprise de l'économie. Le refus de la marchandisation des choses hors commerce en est un exemple particulièrement significatif. En effet, le droit interdit à l'économie d'appréhender certains biens puisque
l'article 1128 du Code civil s'oppose à ce que les choses hors commerce fassent
l'objet de conventions. Par exemple, pour des raisons sanitaires évidentes, le commerce de drogues est interdit. De même, pour des raisons éminemment morales,
le droit refuse la marchandisation du corps humain et de ses produits. Cette
interdiction révèle la suprématie de valeurs fondamentales que l'économie ne
peut compromettre, et dans les limites desquelles elle doit se cantonner. C'est
pourquoi, alors que d'autres pays comme les États-Unis admettent la rémunération du don du sang, ce don ne peut encore s'envisager qu'à titre gratuit en France.
Et, tandis que les conventions de mère porteuse sont admises chez nos voisins,
elles demeurent interdites en France, même à titre gratuit, cela au nom de l'impératif éthique d'indisponibilité du corps humain.
D'autres activités économiques, considérées comme inacceptables, sont
repoussées par le droit en dehors de la sphère de la légalité. On pense évidemment
à ces activités qui, parce qu'elles sont interdites, alimentent l'économie souterraine : travail dissimulé, activité criminelle et recel de leurs produits... L'ampleur
du phénomène est difficile à mesurer. Mais, selon des évaluations récentes, elles
représenteraient environ 10 % du produit intérieur brut.
Au-delà de l'économie souterraine, certains mécanismes juridiques, permis
pour leur utilité économique évidente, sont toutefois encadrés pour éviter les
dérives de l'économie. Tel est le cas, dans la cession de créance, de la technique du
retrait litigieux. Cette technique, bien que menacée de disparition par le projet de
réforme du droit des obligations, permet au débiteur d'une dette litigieuse de
racheter sa créance au prix auquel il l'a cédée à un tiers. L'objectif est évident : il
s'agit de lutter contre une spéculation sur les créances litigieuses, spéculation qui
serait considérée comme hautement immorale. Là encore, l'économie se trouve
dominée par un droit qui circonscrit son domaine pour imposer des valeurs supérieures. Le droit domine alors l'économie en refusant tout dialogue avec elle. Mais
au-delà de ce rapport de cantonnement, le droit va plus loin. Il va jusqu'à manifester un certain dédain à l'égard de l'économie.
2. Un dédain à l'égard de l'économie, c'est une forme plus insidieuse de
domination du droit sur l'économie. Certains pans du droit sont naturellement
étrangers, indifférents, aux considérations économiques. Peut-on sérieusement
penser que champagne, cotillons et robes de mariées permettront de relancer
l'économie ? Ce ne sont certainement pas ces considérations qui ont dominé,
dans l'esprit du législateur, au moment de l'introduction du mariage pour tous.

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