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LE CHANTIER DE CONSTRUCTION

fournie par le silence et le désintérêt marqué à l'égard des six mille ouvriers,
emportés en 1687 par la fièvre paludéenne, contractée sur les chantiers de la
construction du château de Versailles. Ce n'est qu'avec l'émergence de la question
sociale, à la fin du xixe siècle, que le droit a commencé à véritablement se soucier
du sort de l'ouvrier sur le chantier. Avec l'organisation en syndicats, l'apparition
du droit du travail, la personne humaine sera bientôt replacée au centre du chantier, en tant que sujet de protection.
La notion de chantier de construction renvoie donc à une réalité bien plus
complexe que l'on pouvait l'imaginer a priori. C'est une combinaison hétérogène
des éléments qui viennent d'être évoqués. Il s'agit d'un maître d'ouvrage, d'un
entrepreneur, d'un architecte et des ouvriers, réunis en un même lieu, durant une
certaine période et poursuivant, à plus ou moins long terme, le même but commun : la réalisation d'un ouvrage. Face à cette complexité, on comprend donc un
peu mieux que le droit éprouve des difficultés à définir la notion de chantier de
construction. Et pour cause ! Comment appréhender, enserrer, encercler une réalité aussi diverse, aussi foisonnante ?
Bien que le droit positif peine pleinement à saisir et à s'approprier le chantier
de construction, la notion est néanmoins au cœur des préoccupations du droit.
Les enjeux soulevés par le chantier de construction invitent en effet le juriste à
s'en saisir.
Si l'activité de construction relève en principe de la sphère civile, l'ensemble
de l'opération a bel et bien une nature économique. Ces enjeux économiques
peuvent être considérables si l'on songe, par exemple, à l'édification d'un stade de
football. Les investissements peuvent être colossaux, et il est donc essentiel qu'un
chantier ne dure pas toute une vie. Le temps du chantier apparaît alors comme
une donnée fondamentale. Or, la Sagrada Familia de Barcelone montre que la
question de la durée peut parfois s'avérer très relative en ce domaine. Dès lors, le
droit se doit de réguler, d'organiser le chantier de construction, souvent par le
biais du contrat ou de la responsabilité civile délictuelle, afin de mieux maîtriser
le temps qui s'écoule et ainsi d'éviter les faillites en cascades liées aux dépassements de budgets.
Par ailleurs, et malgré l'évolution positive constatée précédemment, le chantier de construction soulève toujours des enjeux importants en termes de santé et
de sécurité. Selon les statistiques de l'Assurance-maladie, un accident du travail
surviendrait toutes les heures en France dans le secteur du bâtiment et des travaux
publics. En 2012, les accidents sur chantier ont coûté près de trois milliards d'euros dans cette seule branche d'activité. Au-delà du coût pour la collectivité, l'aspect humain doit être pris en considération et demande l'élaboration de règles
toujours plus protectrices. Le lieu du chantier de construction n'est pas non plus
anodin. En plein cœur de la ville, les travaux causent des nuisances : il faut protéger les riverains. En pleine campagne ? Là encore, le chantier peut déclencher des
difficultés majeures. Les heurts qui ont éclaté sur le chantier du barrage de Sirven
en sont une tragique illustration. Le droit se doit donc là encore d'intervenir, sous
une forme contraignante, par des règles d'ordre public.

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