Hors collection - Recueil de leçons de 24 heures - 56

44

L'INTERNET

là un particulier qui, se pensant préservé par le sanctuaire rassurant de son domicile, incite publiquement les autres à la débauche.
Comment un tel phénomène, comparable, peut-être, avec l'invention de l'imprimerie au cours des xve et xvie siècles, pourrait-il en effet échapper au droit ? Il
y a, dans l'invention et le développement d'internet, une de ces formes de révolutions qui pour être tranquilles n'en produisent pas moins des conséquences
considérables.
À propos de l'invention de l'imprimerie, Victor Hugo disait qu'il s'agissait du
« plus grand événement de l'histoire ». Pourquoi ? Car elle « renouvelait totalement le mode d'expression de l'humanité, la pensée humaine se dépouillant et
revêtant une autre forme ». Comment échapper à l'analogie avec l'internet ?
On pense aussi, dans une autre mesure, mais de façon finalement pas si lointaine, à l'essor du chemin de fer au xixe siècle dont Henrich Heine a pu dire que
« même les notions élémentaires de temps et d'espace étaient alors devenues
incertaines. Par les chemins de fer, l'espace est tué, et il ne nous reste plus de
temps ». Qu'aurait-il dit de l'internet ?
Car l'internet a bien provoqué cette vague de fond qui, emportant tout sur
son passage, a happé le droit avec le reste, pas toujours au détriment de ce dernier : plus de rapidité, plus d'efficacité, plus d'échanges, plus d'informations,
autant de gains que le droit ne saurait rejeter.
Au-delà de cela, ou en dehors de cela, l'internet, c'est la liberté trouvée ou
retrouvée ; c'est en quelque sorte l'un de ces espaces de non-droit : liberté surtout
de s'exprimer, dans des sociétés qui ne l'autorisent pas toujours et, parallèlement,
possibilité d'être entendus. À son crédit, internet fut, à cet égard, le vecteur privilégié des révolutions récentes, tant non violentes, en Tunisie et en Égypte, que
violentes, en Syrie.
Face à cet assaut, fût-ce souvent en contretemps, le droit n'est jamais resté
totalement désarmé, soit qu'il disposait déjà d'armes suffisantes, soit qu'il les ait
créées à cette fin. C'est, on l'a vu, qu'internet a aussi ses côtés sombres, contre
lesquels il est nécessaire d'agir ou de réagir : sans nécessairement dresser le constat
de la mort des autres moyens de communication, la télévision ou, surtout, la
presse écrite, comme cela avait déjà pu être le cas au temps du Minitel, on ne peut
que constater que l'internet est aussi le vecteur de mauvaises pratiques.
Il y a, effectivement, un « deep web », non indexé par des moteurs de recherche
auquel, en conséquence, peu ont accès, et qui représente, bien souvent, le théâtre
de tous les excès : trafic de drogue, d'êtres humains etc.
Et, sans même aller jusqu'à rechercher cette face cachée de l'iceberg (qui en
représenterait quand même plus de 80 %), en restant donc dans ces territoires
que tout le monde foule un jour ou l'autre, fût-ce par inadvertance (je pense à la
fameuse encyclopédie Wikipédia), Einstein rappelait pertinemment que l'information, ce n'est pas le savoir ; l'internet transparent, par la liberté accrue qu'il
offre à ses utilisateurs, représente déjà le terrain de bien des abus.
L'actualité très récente est hélas nourrie de ceux qui, profitant à la fois de l'anonymat sécurisant et de la propagation tentatrice qu'offre le réseau internet et, en son
Hors collection - Recueil de leçons de 24 heures

Table des matières de la publication Hors collection - Recueil de leçons de 24 heures
