Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 12

Lobbying et stratégies d'influences en France

groupes d'intérêt. La multiplication, l'ascension et la diversification de
ces groupes24 porteurs d'intérêts de plus en plus variés qui n'étaient,
selon le mot de G. Burdeau, que « des pouvoirs de fait »25, ont amené
l'État à en reconnaître l'existence et à mettre progressivement en
place un « para-gouvernement des intérêts organisés »26 qui redistribue
le pouvoir entre le politique, le social et l'économique27. À mesure
qu'il se convertissait en État-Providence, il s'est efforcé de canaliser
ceux dont les enjeux relevaient de ses champs d'intervention de plus
en plus étendus en les consultant au sein de structures de
représentation spécialisées. Leur insertion dans les dispositifs
institutionnels de la démocratie sociale28, du corporatisme restauré29,
de l'économie concertée, de la démocratie administrative et plus
récemment de la démocratie participative s'est ainsi traduite par une
diversification progressive des canaux institutionnels grâce auxquels
certains types d'intérêts peuvent se faire valoir auprès des pouvoirs
publics. L'intégration différenciée des lobbies en fonction des
caractéristiques des intérêts qu'ils portent à ce système d'action de
plus en plus complexe a entraîné une adaptation des techniques
d'influence employées qui ne se ramènent plus seulement à
l'activation de réseaux occultes pour atteindre leurs cibles et à
l'emploi de moyens plus ou moins avouables pour les gagner à leur
cause, mais consistent également à investir les instances de
concertation mises en place par l'État contractuel30 et à intervenir
dans les espaces désormais officiellement dédiés au lobbying au sein
des assemblées parlementaires. Le développement des processus
d'intégrations régionales supranationaux et l'approfondissement de la
décentralisation étatique ont eu un effet analogue : les transferts de
compétences régulatrices à des institutions politiques régionales et
mondiales d'une part, et à des institutions décentralisées d'autre
part, se sont accompagnés d'une réorientation du lobbying vers leurs
centres de décision respectifs et de l'aménagement d'interfaces avec
eux. Quant aux collectivités territoriales, aux établissements publics et
24. Sur la terminologie qui les désigne : G. COURTY, Les groupes d'intérêt, La Découverte, 2006,
p. 5.
25. G. BURDEAU, Traité de science politique, t. III, vol. II, LGDJ, 1981, p. 214 et s. ; sur leur
diversification : R. DAHRENDORF, Classes et conflits de classes dans la société industrielle,
Mouton, 1972.
26. C. SAVÈS, op. cit., p. 156.
27. Sur ce mouvement : J. BURNHAM, L'ère des organisateurs, Calmann-Lévy, 1947 ;
J. K. GALBRAITH, Le nouvel État industriel, Gallimard, 1978.
28. M. BORGETTO, R. LAFORE, La République sociale, contribution à l'étude de la question
démocratique en France, PUF, 2000.
29. R. KUISEL, Le capitalisme et l'État en France, Gallimard, 1984, p. 171 et s.
30. J.-A. BASSO, Les groupes d'intérêt, PUF, 1983, p. 71.

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