Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 22

Lobbying et stratégies d'influences en France

renoncer (II). En reconnaissant le droit des intérêts à s'organiser,
mais aussi d'agir dans l'espace public, grâce à la liberté de la
presse et à celle de réunion2 et en abandonnant peu à peu la
répression des manifestations3, qui devint sporadique4, elle permit
aux groupes les plus divers d'user d'un vaste répertoire d'actions5
faisant appel au nombre et à la rue6 pour presser publiquement les
autorités de se conformer à leurs exigences. Bien que le caractère
spectaculaire de ces actions collectives ait eu tendance à l'éclipser,
ils ont aussi eu recours « pour tenter de faire prévaloir leur conception
de l'intérêt public »7 à un autre répertoire d'actions beaucoup moins
visibles, dont certaines sont pour le moins troubles8, qui combine des
activités destinées à accéder aux autorités politico-administratives,
des techniques de valorisation de la cause à promouvoir par la
construction d'argumentaires et le recours à l'expertise, ainsi que des
technologies de communication pour la défendre : celui du lobbying.
Recourant comme l'a montré M. Offerlé à l'un ou l'autre de ces
répertoires et agissant « de manière plus ou moins publique, plus ou
moins sectorisée et plus ou moins mobilisatrice du côté des membres
du groupe représenté », « en fonction de leurs dispositions (et de celles
du groupe qu'ils représentent) et de la place conjoncturelle qu'ils
occupent dans le champ de la représentation (types de concurrents,
orientation de la politique gouvernementale, valeurs et intérêts
considérés comme défendables, légitimes ou inattaquables par les
leaders d'opinion »9, les groupes d'intérêt ont eu tendance, au fil du
temps, à développer davantage des activités relevant du lobbying10.
2. Loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion.
3. La loi du 7 juin 1848 interdisait les attroupements non armés susceptibles de « troubler la
tranquillité publique » et celle du 30 juin 1848 de tenir des réunions sur la voie publique.
Celle du 5 avril 1884 en modifie la portée en donnant aux maires le droit d'interdire les
manifestations de rue séditieuses. Leur régime sera finalement fixé par le décret-loi du
23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du
maintien de l'ordre public.
4. S. HAYAT, « La République, la rue, l'urne », Pouvoirs, nº 116, 2006, p. 35.
5. M. OFFERLÉ, « Descendre dans la rue », in P. Favre (dir.), La Manifestation, Presses de la
FNSP, 1990, p. 119.
6. M. OFFERLÉ, Sociologie des groupes..., op. cit., p. 106.
7. M. OFFERLÉ, Sociologie des groupes..., op. cit., p. 106.
8. M. OFFERLÉ décrit le lobby comme « réseau d'influence borgne et illégitime contournant
l'intérêt général par des pressions occultes voire par la corruption pure et simple »,
Sociologie des groupes..., op. cit., p. 27.
9. M. OFFERLÉ, Sociologie des groupes..., op. cit., p. 108.
10. H. Michel note que « le registre de l'expertise et les rencontres interpersonnelles avec les
décideurs tendent à prendre le pas sur d'autres formes d'actions telles que l'organisation
de campagnes de presse, l'envoi de courriers aux parlementaires, les manifestations de
rue ou la rédaction de tracts, sans toutefois les évincer » et précise qu'il « n'est pas sûr
que cette tendance ne se retrouve pas, dans une moindre mesure, au niveau national », in
« Un groupe en pratique, les pratiques d'un groupe », in H. MICHEL (dir.), op.cit., p. 18.

22
Table des matières de la publication Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re
