Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 42

Lobbying et stratégies d'influences en France

groupes d'intérêts ont d'autant plus de chances d'être influents au
parlement qu'ils y ont des élus. Y. Mény estime que leur influence y
est « déterminée par l'origine socioprofessionnelle des parlementaires »
en ce que sa composition leur donne un accès différencié et au-delà
pour les professions qui y sont surreprésentées une capacité
disproportionnée d'imposer leurs points de vue118, engendrant des
inégalités de représentation des intérêts économiques et professionnels
dont la doctrine juridique a commencé à s'inquiéter sous la
IIIe République en suggérant la consécration juridique d'un principe de
séparation de la politique et de l'économique119.
La nécessité de consacrer le principe de séparation de la politique
et de l'économique
« Le développement des grandes entreprises commerciales, industrielles
et financières, dont quelques-unes sont concessionnaires de services
publics, constitue un gros danger d'ingérence des influences
économiques dans les délibérations politiques du parlement ; ces
entreprises ont cherché à se ménager ces influences en appelant des
hommes politiques dans leurs conseils d'administration ou même en
les plaçant à leur tête comme directeurs. Le principe de la séparation
de la politique et de l'économique exigerait une législation d'ensemble
sur cette matière, interdisant aux députés et sénateurs toute fonction
privée dans une entreprise économique de quelque importance. Cette
législation d'ensemble, aussi délicate à établir qu'elle serait nécessaire,
n'est pas encore faite, mais il existe des dispositions de détail »120.
M. Hauriou, Précis de droit constitutionnel, Recueil Sirey, 1929, p. 531-532.

électoraux, politique et histoire à la fin du XIXe siècle », in Ph. BOURDIN et al. (dir.), L'incident
électoral de la Révolution française à la Ve République, Presses universitaires BlaisePascal, 2002, p. 186 et s. ; B. JOLY, « L'ingérence cléricale et les élections législatives de
1902 », in Ph. BOURDIN et al. (dir.), op. cit., p. 205 et s. ; M. DELLA SUDDA, « "La politique dans
la sacristie". Une mise en forme de la politique informelle par le clergé sous la
IIIe République », in L. LE GALL, M. OFFERLÉ, F. PLOUX (dir.), La politique sans en avoir l'air.
Aspects de la politique informelle, XIXe-XXIe siècle, PUR, 2012, p. 225 et s.
118. En France, sous les IIIe et IVe Républiques les professions libérales, les fonctionnaires et
les enseignants du secteur public sous la Ve République : Y. MÉNY, op. cit., p. 127.
119. M. HAURIOU, Précis de droit constitutionnel, Recueil Sirey, 1929, p. 531-532.
120. Loi du 20 novembre 1883, art. 5, pour les fonctions d'administrateur de compagnie de
chemin de fer ; Loi du 13 juillet 1911, art. 7, pour celles de membre du conseil de
réseau, de directeur ou de sous-directeur de chemin de fer de l'État [...] ; les fonctions
de gouverneur et de sous-gouverneur de la Banque de France sont incompatibles avec le
mandat législatif (Loi du 17 novembre 1897, art. 3) ; il en va de même des fonctions de
membre du conseil d'administration de la Banque nationale française du commerce
extérieur. Enfin, l'article 142 du règlement du Sénat interdit à tout sénateur « de
prendre ou de laisser prendre sa qualité de parlementaire dans des entreprises
financières, industrielles ou commerciales ».

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