Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re - 9

Introduction
Facette la plus obscure de l'activité des groupes d'intérêt1, le
lobbying joue un rôle aussi controversé que mystérieux dans les
processus politiques. Phénomène socio-politique en plein essor2, il
occupe aujourd'hui, après avoir connu bien des métamorphoses,
une place centrale dans les rouages institutionnels des systèmes
démocratiques dont il fait évoluer la forme. Dès son apparition, il a
nourri de nombreux fantasmes en raison du caractère occulte de ses
activités. Désignant en effet, les multiples interventions des
individus3 et des groupes destinées à influencer les pouvoirs
publics afin d'obtenir des décisions qui leur soient favorables et
d'infléchir l'action publique conformément à leurs intérêts, il a
recouvert des pratiques d'intéressement et d'enrôlement jouant sur
l'activation de raisons d'agir4 et de rétributions matérielles et symboliques
qui, si elles ne heurtaient guère les valeurs des sociétés inégalitaires
dominées par des groupes d'intérêt puissants, cadraient mal avec
les principes fondamentaux des démocraties modernes qui
commençaient à s'imposer et confiaient aux individus conçus
comme libres et souverains le soin d'instituer collectivement leur
gouvernement. Issu de l'anglais, le terme - il dérive du mot lobby,
signifiant couloir ou hall - est apparu en 1808 et a servi, à partir
des années 1830, aux États-Unis5 mais aussi en Angleterre6 où

1. E. GROSSMAN et S. SAURUGGER les définissent par leurs finalités comme des « entités
cherchant à représenter les intérêts d'une section spécifique de la société dans l'espace
public », in « Les groupes d'intérêt au secours de la démocratie ? », RFSP, nº 2, 2006,
p. 299.
2. S. THOMSON (dir.), Public Affairs, Urbane Publications, 2016.
3. Si le lobbying le plus souvent mis au service des intérêts d'un groupe, il peut aussi servir
ceux d'un individu: tout comme l'analyse de la fabrique des politiques publiques, l'analyse
du lobbying doit tenir compte des individus et des groupes : R. H. SALISBURY, "Interest
Structures and Policy Domains: A Focus for Research", in W. CROTTY et al. (dir.),
Representing Interests and Interest Group Representation, Washington, University Press of
America, 1994, p. 17.
4. Sur ces raisons : M. OLSON, Logique de l'action collective (1966), PUF, 1987 ; sur les
rétributions : D. GAXIE, « Économie des partis et rétribution du militantisme », RFSP, nº 1,
1977.
5. A.-E. DEYSINE, « Argent et politique durant les années Bush », Vingtième siècle, nº 97, 2008,
p. 134. Le terme serait courant au Capitole depuis 1832. M. CLAMEN estime que sans qu'on
puisse déterminer sa date d'apparition, sa naissance est intervenue vers 1791 avec le
premier amendement de la constitution, in « Lobbying : de l'histoire au métier »,
Géoéconomie, nº 72, 2014, p. 168.
6. Th. ERSKINE MAY, Histoire constitutionnelle de l'Angleterre depuis l'avènement de Georges III,
1760-1860, t. 1, Michel Levy Frères, 1865.

Table des matières de la publication Systèmes - Lobbying et stratégies d'influences en France - 1re