Cours - Droit commercial - 3e - 137

Le statut du commerçant

résidence principale (B), le statut d'auto-entrepreneur (C) et l'Entreprise Individuelle à
Responsabilité Limitée (D).

A. Les règles traditionnelles en matière de patrimoine
Rappel des règles traditionnelles. - Défini comme l'ensemble des biens et des obligations d'une personne, le patrimoine représente une universalité. Il s'agit en effet d'une
masse de biens au sein de laquelle l'actif répond du passif10. La théorie classique de
l'unité du patrimoine, développée par Aubry et Rau, considère qu'une personne ne peut
avoir qu'un seul patrimoine. En vertu de cette théorie, le patrimoine est conçu comme une
émanation de la personne, et il ne peut donc être qu'unique : il n'est donc pas envisageable
d'après cette théorie de l'unité du patrimoine qu'une personne puisse avoir plusieurs patrimoines distincts, comme un patrimoine privé et un patrimoine professionnel. En outre,
étant étroitement lié à la personne qui le détient, le patrimoine n'est pas cessible entre
vifs. Cette conception française du patrimoine a longtemps conduit au rejet de toute notion
de patrimoine d'affectation. Il n'était donc pas envisageable de disposer de plusieurs patrimoines en leur affectant des finalités distinctes, notamment une finalité professionnelle afin
d'affecter les créances et les dettes générées par une activité professionnelle : un commerçant n'avait pas la possibilité d'isoler dans un patrimoine d'affectation les éléments de son
activité commerciale. Avec un patrimoine unique, les créanciers professionnels du
commerçant ont pour gage l'ensemble du patrimoine de ce commerçant et peuvent donc
se payer sur tout bien, y compris les biens familiaux. Les créanciers professionnels sont
en concours avec les créanciers personnels du commerçant sur le même patrimoine et la
même masse de biens.
D'importants risques existent pour le commerçant et sa famille puisque les créanciers
professionnels peuvent se payer sur des biens personnels au-delà des biens professionnels de l'entreprise commerciale. Diverses mesures ont été mises en place afin de
réduire les risques engendrés par l'exercice sous forme d'entreprise individuelle.
214

215 Mesures limitant l'impact du risque professionnel à l'égard du patrimoine privé. - Le
législateur a admis la création de société unipersonnelle et a ainsi admis qu'une personne
physique puisse affecter à la personne morale créée les biens nécessaires à l'activité.
Corrélativement, le passif engendré par l'activité commerciale est isolé au sein de la
société et ne peut en théorie affecter le patrimoine personnel de l'entrepreneur. La loi du
11 juillet 1985 a créé la SARL à associé unique appelée EURL, l'entreprise unipersonnelle
à responsabilité limitée. La loi du 12 juillet 1999 a créé la SASU, société par actions simplifiées unipersonnelle. Le législateur permet par la création du patrimoine de la société de
disposer d'une sorte de patrimoine d'affectation, limitant ainsi les risques encourus par
l'entrepreneur et corrige les défauts de l'unicité du patrimoine : le patrimoine professionnel
du commerçant est distingué de son patrimoine personnel.
Par ailleurs, la loi Madelin du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle
a prévu un ordre de priorité de garantie et de saisie pour les créanciers professionnels. Ces
mesures doivent s'exercer en priorité sur les biens nécessaires à l'exploitation à l'égard des

10. C. civ., art. 2284.

137

Table des matières de la publication Cours - Droit commercial - 3e