Cours - Droit commercial - 3e - 226

DROIT COMMERCIAL

Formant au final un ensemble cohérent de biens, il apparut que leur réunion créait une
valeur, elle-même supérieure à la somme des valeurs individuelles de chacun d'eux. En
effet, que serait une marque sans marchandises, que serait une enseigne sans endroit
dans lequel installer une boutique ? Progressivement donc l'idée de considérer l'ensemble
de ces biens comme un bien lui-même s'installa dans les esprits, pour finalement donner
naissance au fonds de commerce, appelé ainsi en référence au fonds de terre, notamment évoqué à l'article 518 du Code civil.
342 Consécration progressive. - Comme souvent, le droit fiscal fut le premier à prendre en
considération cette nouvelle approche des biens de l'entreprise, pour prendre une expression contemporaine. Lorsqu'un commerçant souhaitait céder son activité à un successeur,
il lui transmettait l'ensemble des biens qui lui avait permis d'attirer et de conserver sa
clientèle mais plutôt que de considérer cette transmission comme la somme d'une multitude de cessions, la notion de fonds de commerce permettait de ne réaliser qu'une seule
vente : celle du fonds, lui-même comprenant tous ces éléments4. Le droit fiscal vint alors
imposer cette transmission unique, dès 1872. Plus tard, au début du XXe siècle, le droit
commercial vint consacrer cette idée en réglementant les principales opérations pouvant
être conclues sur le fonds de commerce, comme sa vente par une loi du 17 mars 1909.
L'opération juridique principale portant sur le fonds de commerce - la cession - était ainsi
consacrée, sans d'ailleurs que la notion qui la sous-tendait ne fût définie. La réalité du
fonds de commerce fut ainsi indirectement consacrée, par la reconnaissance de son
utilité, et l'organisation de son fonctionnement.
Le fonds de commerce s'installa alors durablement dans le paysage juridique français, tout
en conservant deux traits originaux. D'une part, après un siècle de pratique et d'utilisation, le
fonds de commerce n'est toujours pas défini par le législateur, celui-ci se contentant d'en
réglementer les principales opérations. D'autre part, cette notion, si familière pour ne pas
dire évidente aux yeux du juriste français, fait cependant figure d'exception, d'autres droits
tout aussi performants que le nôtre ne la connaissant tout simplement pas ! Jurisprudence
et doctrine furent donc appelées au secours d'une législation peu encline aux définitions,
afin de préciser les contours de cette notion pourtant si centrale. Ce travail est d'autant
plus important que les avantages liés à sa reconnaissance semblent irremplaçables.

Section 1
Les contours du fonds de commerce
(ou de la détermination de son contenu)
343 Définition. - Toute tentative de définition en droit privé est périlleuse, comme le rappelle
la formule de Javolenus5. Pourtant, le fonds de commerce semble pouvoir se concevoir
comme l'ensemble des éléments, affectés à l'entreprise, permettant d'attirer et de conserver

4. Sur la notion d'universalité : v. infra, nº 380.
5. Omnis definitio in jure civile periculosa est. V. L.-M. SCHMIT, Les définitions en droit privé, préf. J. JULIEN, LGDJ - Presses de l'Université Toulouse Capitole, 2017.

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