Cours - Droit commercial - 3e - 230

DROIT COMMERCIAL

la clientèle est attachée. La plupart du temps, et notamment à l'occasion d'un exercice purement individuel du commerce, cette question ne posera aucune difficulté : la clientèle est
attachée au fonds de commerce exploité par le seul commerçant, donc titulaire de ce fonds.
Pourtant, les relations commerciales sont aujourd'hui fréquemment complexes, et il peut ne
pas être aussi aisé de relier distinctement la clientèle au titulaire du fonds. Tel est le cas de
ce qui est appelé le commerce inclus, ou encore en présence de certains contrats de distribution, comme le contrat de franchisage12.
Le commerce inclus. L'appellation de commerce inclus est assez générique, et répond plus à
une facilité de langage qu'à la stricte description de relations commerciales variées et
parfois différentes les unes des autres. L'idée générale peut cependant être aisément
résumée. Voici qu'un commerçant exerce une activité, exploite un fonds de commerce (la
réalité et l'existence d'une clientèle sont ici certaines), mais dont les conditions concrètes
d'exercice dépendent pour partie d'un autre commerçant. Il s'agit de l'hypothèse dans
laquelle le commerçant exerce son activité dans un lieu dépendant d'un autre commerçant.
La question se pose alors de savoir si la clientèle est attachée au premier, ou au second
commerçant. Encore une fois, les enjeux sont importants, car de la réponse dépendra la
titularité du fonds à l'un ou à l'autre. Si le premier commerçant ne se voit pas reconnaître
cette qualité, il ne bénéficiera pas, par exemple, du statut protecteur des baux commerciaux, etc. Deux exemples classiques peuvent être pris pour illustrer le propos.
Le premier concerne le cas dans lequel un commerçant exploite une activité (buvette)
dans l'enceinte d'un autre commerce (un champ de courses). Il loue à cette fin un local
et, encore une fois, le régime de ce contrat dépend de l'existence d'une clientèle qui lui
soit propre. Si tel est le cas, il peut bénéficier du statut des baux commerciaux. Or, la
question est délicate car tout dépend de savoir si la clientèle qui se rend dans cette
buvette est rattachée à ce commerçant, ou si en réalité il s'agit de celle du champ de
course, dont le commerçant ne ferait qu'indirectement profiter ? Le fonds de commerce
étant constitué des éléments d'attraction de la clientèle, la question peut être reformulée
de la manière suivante : les clients sont-ils attirés par l'activité du champ de courses ou
bien par celle de l'exploitant de la buvette ? Autrement dit, les clients se rendent-ils sur
le site pour la seule buvette ou principalement pour l'activité du champ de courses ? La
Cour de cassation, dans un arrêt d'Assemblée plénière, considéra que la clientèle était
celle du champ de course et non la clientèle propre du commerçant : par conséquent,
celui-ci ne fait que profiter de la clientèle d'autrui13. Ne possédant pas de fonds propre, il
ne peut alors invoquer à son profit les règles protectrices du bail commercial14.
Un second exemple, similaire dans la question qu'il pose, peut être trouvé dans la situation très fréquente des boutiques présentes au sein de la galerie marchande d'une grande
surface. La clientèle fréquentant ces boutiques est-elle celle du commerçant ou celle de
la grande surface ? La réponse a sur ce point évolué, ce qui n'est guère étonnant compte
tenu de l'évolution des habitudes des consommateurs. Dans un premier temps, les tribunaux, s'appuyant notamment sur le fait que les heures d'ouverture de ces boutiques
étaient conditionnées par celles du centre commercial, avaient eu tendance à considérer

12. Couramment appelé franchise.
13. Cass. Ass. plén., 24 avr. 1970, nº 68-10914 : D. 1970, 381, note R. L.
14. Lesquelles se caractérisent notamment par un droit au renouvellement du bail ou, à défaut, d'une indemnité d'éviction :
v. infra, nº 498.

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