Cours - Droit commercial - 3e - 253

Le fonds de commerce

et bien d'une clientèle, qui existe certainement et qui lui est propre, et ce malgré l'extraordinaire diversité des sites et des offres. Plus qu'une différence de nature, c'est à une différence de degrés à laquelle on assiste, mais les « réflexes conditionnés » des clients sont à peu
près les mêmes. La peur de l'immatériel, de l'absence de cocontractant physiquement
présent, et parfois situé à l'autre bout du monde, conduit même à renforcer l'attachement
des clients à certains cybercommerçants ayant « pignon sur web », et qui inspirent confiance.
Ainsi, paradoxalement, l'internet nous semble renforcer les caractères de la clientèle au lieu
de les diluer, d'autant plus que les offres sont accessibles en permanence, sans les
contraintes physiques liées par exemple aux heures d'ouverture des fonds classiques110.
Même si le cybercommerçant ne dispose pas de droit au bail111 - qui n'est du reste nullement
un élément obligatoire ou essentiel du fonds - il dispose en revanche bien d'une enseigne et
d'un nom commercial, lesquels sont d'ailleurs souvent fondus en un seul, par le biais du
nom de domaine112.
Le fonds de commerce constitue incontestablement un modèle de référence de l'activité
professionnelle, en tout cas dans son mode de fonctionnement. Considérer le fonds
comme une universalité de fait, comme un bien unique présente des avantages qui
peuvent aisément être transposés à d'autres types d'activités. Ainsi, le fonds artisanal ou
le fonds libéral sont-ils construits sur ce modèle, ce qui est évidemment un facteur de
convergence des règles de l'activité professionnelle, quelle que soit par ailleurs sa
nature. Le droit professionnel, qui transcende les disciplines continue ainsi de se construire, faisant émerger peu à peu un schéma commun au sein duquel les particularités
propres à chaque secteur se maintiennent. L'idée d'un fonds professionnel, répondant à
des caractéristiques communes ou semblables, apparaît ainsi. Parachevant l'extension
du fonds de commerce, la loi nº 2014-626 du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au
commerce et aux très petites entreprises, est venue affirmer avec force la possibilité
d'exploiter un fonds de commerce sur le domaine public113. « Petit séisme en matière de
domanialité publique »114, cette loi insère plusieurs articles dans le Code général de la
propriété des personnes publiques, dont le premier115 dispose qu'« un fonds de commerce
peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre »116.

110. En pratique, cependant, des nuances s'imposent, notamment en présence de portails marchands, permettant ensuite
d'accéder au site du commerçant. De même, si un commerçant exerçant « classiquement » vend en outre ses produits sur
l'internet, est-il titulaire d'une seule et même clientèle (et donc d'un seul fonds) ou de deux ?
111. La question peut toutefois être posée de l'assimilation de l'hébergement de site à un bail commercial, ou en tout cas à un
contrat remplissant le même office.
112. Bien que les règles d'obtention des noms de domaine soient particulières. Ainsi, pour le .com, la règle est celle du
« premier arrivé, premier servi ».
113. Ph. S. HANSEN, « L'exploitation d'un fonds de commerce sur le domaine public », JCP A 2014, 2250 ; J. ANDREANI et B. BRIGNON,
« La consécration législative du fonds de commerce sur le domaine public », D. 2014.1883.
114. E. DEROUESNÉ et A. STEFANINI-COSTE, Fonds de commerce sur le domaine public, la reconnaissance législative : JCP E 2014,
1511.
115. C. gén. propr. pers. publ., art. L. 2124-32-1.
116. Sur l'application dans le temps de cette disposition : CE, 24 nov. 2014, nº 352402 : JCP E 2014, 1660, note B. BRIGNON.

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