Grands Colloques - Le régime représentatif à l'épreuve de la justice constitutionnelle - 177

ARMEL LE DIVELLEC

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discussion politique, pèsent ainsi de manière profonde et continue sur les
débats. Cette solidarité se prolonge par un lien institutionnel plus fort
encore, de nature dynamique : la désignation (par convention ou en vertu
d'une règle formelle, selon les pays) du Premier ministre par l'Assemblée (la
« fonction élective »), qui est la face anticipée de la responsabilité politique,
son aboutissement logique (Bagehot fut l'un des premiers à oser ériger cette
fonction en principe fondamental de ce qu'il appelle le « gouvernement
de cabinet »), même s'il arrive qu'elle soit enrayée par suite de difficultés
politiques (hypothèse de « gouvernements de techniciens » par exemple) ou
bien qu'elle doive se concilier avec une autre source de légitimité comme
dans le cas de la Ve République.
Fusion mais non pas confusion. Bagehot précisait bien : « l'union étroite,
la fusion presque complète (the close union, the nearly complete fusion) »45.
En dépit de cet entrelacement organique et, du coup, en partie fonctionnel,
le cabinet et l'Assemblée demeurent certes essentiellement distincts formellement, si bien qu'évidemment, il y a place pour des mécanismes relationnels
entre ces organes, mécanismes formalisés par le droit de la Constitution46.
Mais le cœur de cette relation intime va au-delà et est déjà nécessairement
différent de ce qu'il est dans un système non parlementaire. De plus, la
solidarité (ou fusion) est aussi, en principe, politique : le cabinet étant porté
au pouvoir par le soutien d'une majorité est normalement composé d'éléments de celle-ci, il ne cesse pas d'entretenir des relations intimes avec
elle (cette intimité variant suivant les situations partisanes). Le principe
de responsabilité politique du cabinet devant le Parlement, non seulement
permet de maintenir l'unité de vues entre les deux organes (à défaut de
laquelle un ministère battu doit se retirer - éventuellement après une dissolution), mais porte surtout en lui une dynamique bilatérale permettant au
cabinet de guider et diriger la majorité47 et à celle-ci d'exiger d'être écoutée
45. Et aussi, après avoir rappelé le droit que détient l'exécutif britannique de l'époque
de dissoudre discrétionnairement la Chambre basse : « the English system, therefore, is not
an absorption of the executive power by the legislative power, it is a fusion of the two »
(The English Constitution, éd. Londres, Fontana, 1963, p. 65 et 69). Le fait que nombre de
juristes, parfois même éminents (depuis Esmein et Hauriou), aient substitué le terme de
confusion à celui de fusion témoigne d'une profonde incompréhension, on osera dire : une
confusion... intellectuelle ! V. sur ce point notre article « Adhémar Esmein et les théories
du gouvernement parlementaire », in S. Pinon, P.-H. Prélot (dir.), Le droit constitutionnel
d'Adhémar Esmein, Montchrestien, 2009, p. 149-182.
46. Le dictionnaire Robert donne deux définitions du mot « solidaire » adaptées à notre
idée : 1° « Se dit de choses qui dépendent l'une de l'autre, vont, fonctionnent ensemble dans
une action, un processus » ; 2° « Se dit de pièces liées dans un même mouvement par contact
direct, par engrenage ou par intermédiaire ».
47. Significativement, dès le début du XVIIIe siècle, le principal ministre, en GrandeBretagne, portait le titre officieux de Leader of the House (celui de Prime Minister n'étant
alors pas davantage officiel). Elle s'affermit avec le temps. Aujourd'hui (en fait depuis 1942),

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