Grands Colloques - Le régime représentatif à l'épreuve de la justice constitutionnelle - 298

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LÉGITIMATION ET EFFICIENCE

6 - On peut ne pas être pleinement convaincu par la pertinence et l'opportunité de cette distinction. D'abord, bien sûr, car l'on peut considérer
qu'interpréter c'est déjà créer. Ensuite, et même si l'on accepte de distinguer
l'interprétation d'un texte légal de la création ex nihilo d'une règle jurisprudentielle, on ne perçoit pas ce qui pourrait justifier que cette dernière
échappe au contrôle de constitutionnalité. Le spectre de la jurisprudence
supra-constitutionnem réapparaît... Il convient toutefois de relativiser ce
risque. Pourquoi ? D'une part, parce que ces règles, pour être relativement
nombreuses, ne sont vraisemblablement pas les plus suspectes d'inconstitutionnalité. Pour l'essentiel, ces règles purement prétoriennes ne sont en effet
que des applications particulières de principes à valeur constitutionnelle :
principe de liberté d'expression, de liberté du commerce et de l'industrie,
de l'impartialité du juge, de responsabilité individuelle, d'égalité, du respect
de la vie privée, etc. D'autre part, et surtout, parce que l'analyse du contentieux QPC révèle que la Cour de cassation saisit l'occasion de ces questions
pour déterminer, amender, voire abandonner sa propre jurisprudence en
tenant compte des interprétations ou exigences constitutionnelles. Tantôt
discrètement12, tantôt ouvertement13, la Cour a interprété à diverses reprises
la disposition devant elle contestée à la lumière de réserves préalablement
posées par le Conseil. Sans même attendre les directives d'interprétation
du Conseil, il lui arrive également de les anticiper en opérant, de façon
préventive, d'authentiques revirements de jurisprudence14.
À titre d'exemple, on peut évoquer une décision remarquée de la deuxième
chambre civile en date du 10 juillet 201415. La disposition litigieuse était
l'article L. 243-6 du Code de la sécurité sociale qui soumet la demande
de remboursement des cotisations indûment versées par l'employeur au
délai de prescription de trois ans. La Cour de cassation avait jugé à différentes reprises, d'une part, que ce délai avait pour point de départ le jour
du versement et, d'autre part, qu'il n'était ni suspendu ni interrompu par
les longues démarches administratives et judiciaires nécessaires à l'établissement de l'indu. Cette solution avait pour conséquence de limiter le
remboursement de l'employeur aux trois dernières années de versement à
compter de la décision judiciaire définitive. Cette « prescription lucrative »
12. V. par ex. Cass. soc., 14 septembre 2012, n° 11-28629 (condition de la protection du
salarié résultant d'un mandat extérieur à l'entreprise).
13. V. par ex. Cass. 2e civ., 20 septembre 2012, n° 11-23995 (chefs de préjudice réparable devant la juridiction sociale en cas de faute inexcusable de l'employeur) ; Cass. crim.,
25 juin 2014, n° 13-87692 (cumul d'une sanction administrative et d'une sanction pénale).
14. V. par. ex. Cass. crim., 12 avr. 2012, n° 12-90004 (cumul de peines d'emprisonnement
assorties de sursis) ; Cass. crim., 26 juin 2012, n° 12-80319 (principe de la contradiction
devant la chambre de l'instruction) ; Cass. crim., 19 nov. 2013, n° 13-84909.
15. Cass. 2e civ., 10 juillet 2014, n° 13-25985, JCP S 2014, 1336, note C.-F. Pradel,
P. Pradel-Boureux, V. Pradel ; JCP G 2014, doct. 988, obs. G. Loiseau.
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