Grands Colloques - Le régime représentatif à l'épreuve de la justice constitutionnelle - 67

ÉRIC DESMONS

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gouvernement » - quelle qu'en soit la légitimité d'origine - est celui dont
l'action est conforme au droit en vigueur17, sous le contrôle d'un juge.
Bobbio résume parfaitement ceci : « le Rechststaat est l'état où il n'y a pas
besoin que le pouvoir soit légitime : il suffit que son exercice soit légal,
c'est-à-dire en conformité des lois »18. Cependant, il faut comprendre - et
c'est là qu'intervient un tour de passe-passe - qu'un tel gouvernement
devient néanmoins par ce fait transitivement légitime par l'origine, puisque
le droit en vigueur est, en démocratie, la Constitution posée par le peuple
souverain19. La légitimité d'exercice garantie par la justice constitutionnelle absorbe ainsi mécaniquement la légitimité par l'origine : une action
est bonne si elle est juridiquement valide (légitimité d'exercice), c'est-àdire conforme à la Constitution voulue par le peuple souverain (légitimité
d'origine). Par cette conjonction de la théorie de la norme et de la théorie
du pouvoir20, le gouvernement dont l'action est conforme au droit constitutionnel en vigueur est ispo facto un gouvernement démocratiquement
légitime par l'origine, puisqu'en respectant la Constitution il respecte la
volonté du peuple constituant. La Constitution normative, et en dernière
analyse le juge constitutionnel, en conférant sa légitimité d'exercice au
gouvernement, lui assure même une légitimité d'origine encore plus
forte que l'élection, puisqu'elle puise à la source originelle qu'est le texte
exprimant directement la souveraineté du peuple. Dit autrement, ceci vient
à poser que le gouvernement représentatif n'est jamais plus légitime par
l'origine que lorsqu'il est un État de droit et qu'en toute hypothèse sa
meilleure instance de légitimation, de ce point de vue, est encore le juge
constitutionnel. Le système représentatif doté d'une justice constitutionnelle devient donc, de la sorte, le « meilleur » des régimes « démocratiques »
- puisque légitimé autant par son origine que par ses fins - se confondant
dans l'État de droit. C'est pourquoi certains auteurs peuvent affirmer, sans
contradiction, que la justice constitutionnelle réactive sur un autre mode le
vieil idéal de la démocratie directe : « Le progrès démocratique représenté
par le contrôle de constitutionnalité consiste ainsi en ce qu'il permet de
réintroduire, à l'intérieur de la logique de la démocratie représentative, le
principe de la démocratie directe : l'impossibilité pratique de l'expression
directe de la souveraineté populaire a conduit à la mise en place d'institutions le représentant ; or, celles-ci peuvent avoir tendance à trahir, ou mal
exprimer la volonté du peuple ; donc, en vérifiant que les lois des institu17. Et aux droits de l'homme dans nos sociétés démo-libérales. Ce qui se paie, selon
M. Gauchet, en inefficacité et en défiance, dues à l'écart irréductible entre le droit et les
faits (op. cit.).
18. N. Bobbio, op. cit., p. 150.
19. G. Burdeau, L'État, Seuil, 1970, p. 64.
20. N. Bobbio, op. cit., p. 150.
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