Systèmes - Droit gouvernemental - 1re - 10

Droit gouvernemental

conseils restreints, puis par l'intermédiaire des membres du Secrétariat
général de la présidence. L'instauration du quinquennat a stimulé le mouvement et aujourd'hui l'osmose apparaît systématique entre le domaine
présidentiel et le domaine gouvernemental : notoirement, c'est le président
qui gouverne.
Le droit gouvernemental que cet ouvrage expose rigoureusement suggère au lecteur deux remarques, l'une prosaïque, l'autre fondamentale.
Tout d'abord, ce Premier ministre « vassalisé » de la République quinquennale n'en occupe pas moins une situation qui faisait dire au regretté
Guy Carcassonne que c'est lui qui constitue, au sens architectural, la clé de
voûte du régime, parce qu'il est « juridiquement à l'articulation entre tous
les pouvoirs », qu'il dispose à cet effet d'un instrument efficace, le Secrétariat général du Gouvernement, et que tout converge vers ses décisions ; son
rôle peut sembler subalterne dans le cours tranquille des jours, mais
lorsque la machine se bloque et que le président apparaît sans prise sur la
réalité, comme ce fut exceptionnellement le cas en 1968, mais aussi, d'une
autre manière, avec la COVID-19, l'hôte de Matignon se révèle, c'est le cas
de le dire, le deus ex machina, celui qui assure que l'État fonctionne encore.
De telles expériences font s'interroger sur la pertinence opérationnelle,
sinon du droit gouvernemental en vigueur, du moins de son équilibre.
Le même lecteur, bercé par le discours sur la suprématie de la Constitution et sur les mérites de la hiérarchie des normes qui en assure la supériorité, ne peut enfin qu'éprouver un certain malaise à constater que cette
Constitution souveraine ne lui dit rien, voire l'induit en erreur, sur un pouvoir
suprême qui se déploie dans l'État sans que son incertaine attribution ne lui
assigne de limites discernables.
À l'issue de l'analyse présentée par M. Caron, peut-on conclure vraiment
à l'existence de ce droit gouvernemental comme s'interrogeait le préfacier
de sa thèse ?7 Tout bien considéré, une réponse affirmative est apportée par
l'intéressé au point d'y souscrire. Au reste, pour s'en tenir à un aspect
démonstratif, sa quête prospective de la création d'une déontologie du Gouvernement en apporte une nouvelle preuve.
Dans le sillage de la pensée du doyen Maurice Hauriou et des travaux du
président Jean Massot, cet ouvrage pionnier ouvre un champ d'investigation
aux chercheurs et plus encore, contribue à restaurer le droit constitutionnel
institutionnel délaissé, à tort, depuis peu par le droit constitutionnel substantiel. Au demeurant, la carrière universitaire de son auteur s'en trouvera
objectivement confortée le moment venu.

Paris, le 5 juin 2020
Pierre AVRIL et Jean GICQUEL

7. X. VANDENDRIESSCHE, in M. CARON, L'autonomie organisationnelle du Gouvernement, LGDJ, 2015,
p. XIV.

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