Systèmes - Droit gouvernemental - 1re - 171

La subordination institutionnelle

prendre telle ou telle initiative politique. Or, leurs relations avec le cabinet
du Premier ministre s'apparente davantage à une supervision qu'à une
subordination. « Il n'y a pas d'un côté, l'Élysée qui commande et de l'autre,
Matignon qui obéit. Pour l'essentiel, il s'agit bien davantage d'information et
de concertation, chacun conservant son pouvoir de décision dans les domaines qui sont de son ressort » (Olivier Schrameck). En 2017, Emmanuel Macron et Édouard Philippe ont d'ailleurs décidé que, désormais, « la
méthode de travail gouvernementale s'appuierait sur une nouvelle gouvernance entre les cabinets du président de la République et du Premier ministre avec la nomination de conseillers conjoints » (circulaire du 24 mai
2017)15, cette satellisation ayant été critiquée16.
En définitive, il faut bien reconnaître qu'il est difficile de mesurer la portée réelle de la supervision élyséenne sur les choix gouvernementaux. « Le
débat reste ouvert quant à la présence d'un ''super-gouvernement'' à l'Élysée » (Alexandre Bonduelle), quelques données factuelles ne suffisant « pas à
fonder l'hypothèse selon laquelle l'entourage présidentiel formerait un
''gouvernement parallèle'' » (Jean Louis Quermonne).

c) Le pouvoir d'arbitrer
260. Il n'appartient théoriquement pas au chef de l'État de procéder aux
arbitrages gouvernementaux. Ce sont le Premier ministre et ses collaborateurs qui réalisent au quotidien ces arbitrages. Or, ces arbitrages sont
nécessairement inspirés par le « je » présidentiel.
Mieux, les hypothèses d'ingérence du chef de l'État sont multiples : le
président arbitre toujours en dernier ressort les nominations qui ne font
pas consensus ; il peut chercher conjoncturellement à court-circuiter le
Premier ministre dans un dossier17 ; il peut prendre la main sur une série
d'arbitrages qui relèvent juridiquement du Gouvernement18 ; il peut encourager ou décourager certains arbitrages avant qu'ils n'aient lieu ; il peut
également faire remonter à lui sinon « casser » certains arbitrages primoministériels à la demande d'un membre du Gouvernement. Enfin, il dispose
de l'arme solennelle des conseils interministériels qui lui permet de faire
prévaloir son arbitrage sur celui du Premier ministre. La réunion d'un
Conseil interministériel peut en effet viser à neutraliser les arbitrages qui
pourraient être effectués en Comité interministériel en particulier ou à Matignon de manière générale.

15.
16.
17.
18.

On compte aujourd'hui une dizaine de conseillers communs.
Cf. Rapport de M. Jourda et J.-P. Sueur nº 324, 20 févr. 2019, p. 88.
Cf. par ex. le cas du dossier Florange in A. MORELLE, L'abdication, 2017, p. 115 et s.
Cf. par ex. le cas de la captation des arbitrages relatifs à la réserve ministérielle in
R. DOSIÈRE, L'État au régime, 2012, p. 57 et « Le Conseil d'État ferme les yeux sur le détournement de subventions ministérielles par Nicolas Sarkozy » in Le Monde du 12 avril 2013.

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