Systèmes - Droit gouvernemental - 1re - 9

Préface

Ainsi, en dépit du vœu du président Sarkozy de saisir l'occasion qu'offrait la
révision constitutionnelle de 2008 pour mettre le droit en harmonie avec le
fait sur ce point crucial, l'article 20 dispose toujours que « le Gouvernement
détermine et conduit la politique de la Nation. »
La nature et l'articulation des rapports effectifs entre le président de la
République, qui « assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des
pouvoirs publics », et le Premier ministre, qui « dirige l'action du Gouvernement », sont depuis les débuts de la Ve République à la fois évidents quant à
leur sens et innommés quant au fond, seules les occasions de leur rencontre étant ponctuellement formalisées par la Constitution. Ces rapports n'en
revêtent pas moins un caractère normatif attesté par tous les Premiers
ministres4, et M. Caron en prend vigoureusement acte comme on le verra,
en qualifiant de « subordination institutionnelle » la situation d'un Premier
ministre « vassalisé ». Par cette périphrase de « subordination institutionnelle », il désigne la convention de la Constitution en vertu de laquelle le
Premier ministre se considère politiquement responsable devant le président qui l'a nommé. Initiée par le général de Gaulle sur le plan personnel,
cette convention a été légitimée par la révision d'octobre 1962 faisant du
président de la République l'élu du suffrage universel direct et le plaçant
sous ce rapport à égalité (pour le moins...) avec l'Assemblée nationale
devant laquelle le Premier ministre est constitutionnellement responsable
avec le Gouvernement qu'il dirige. La conséquence en a été crûment résumée par notre regretté ami Jean-Claude Colliard : la confiscation par le président, chef du parti majoritaire, des compétences de ce Gouvernement5.
Non écrite, cette responsabilité (le terme nous paraît préférable à celui
de subordination qui implique une relation hiérarchique méconnaissant le
rôle propre du Premier ministre) se déploie dans des domaines et selon
des moyens que les chercheurs ont tenté d'inventorier au fil des présidences, tant ces domaines et ces moyens dépendent des personnalités en
cause et présentent de facettes multiples. M. Caron en évoque abondamment les manifestations significatives aujourd'hui.
Pour schématiser, en confrontant les deux pôles de l'évolution qu'a
connue la pratique de la convention sur la responsabilité du Premier ministre depuis les origines, on peut dire que le général de Gaulle imposait initialement une séparation stricte entre l'Élysée et le Gouvernement : il n'avait
lui-même de rapports directs qu'avec le Premier ministre6 (à l'exception des
ministres des Affaires étrangères et des Armées) et la mission de ses collaborateurs se limitait à sa seule information sur la marche des affaires.
L'exercice du pouvoir a cependant bientôt conduit à intensifier les interventions de l'Élysée par les évocations ponctuelles du président, la pratique des
4. Parenthèse des cohabitations mise à part.
5. J-Cl. COLLIARD, « L'action de la Constitution sur les partis politiques », in AFDC, Cinquantième anniversaire de la Constitution française, Dalloz, 2008, p. 581.
6. Les rapports avec l'ensemble des ministres relevant collectivement du conseil des ministres hebdomadaire.

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