Affaire Sauvage : la foule contre le peuple Aux armes citoyennes ? Le public est conquis par la « soirée spéciale » de TF1. Les professionnels de justice, eux, sont indignés. Dans une interview accordée à Télérama le 2 octobre suivant, le célèbre avocat général Luc Frémiot confie qu'il a été choqué par le téléfilm. Sa parole a d'autant plus de poids qu'il est devenu célèbre pour avoir requis l'acquittement de Alexandra Lange en 2012. Elle avait tué son mari qui la battait. Ce jour-là l'avocat général avait conclu son réquisitoire par ces mots entrés dans les annales judiciaires : « C'est l'avocat de la société qui vous le dit : vous n'avez rien à faire dans une cour d'assises, Madame. Acquittez-la ! » Voici son analyse de l'affaire Sauvage : « Faire croire au public que le principe de la légitime défense doit être consacré dans ces affaires me paraît très gênant. Dieu sait si je suis engagé dans la lutte contre les violences conjugales mais la question est : sommes-nous prêts à dire à ces femmes qu'elles seront le curseur de la violence de l'autre, compagnon cogneur ou mari violeur ? Qu'elles pourront empoigner un fusil quand elles n'en pourront plus ? Que le jour où elles considéreront que le point ultime est arrivé, elles pourront en toute légitimité organiser un homicide ? Cela veut dire : "Aux armes citoyennes !" Cela veut dire que la justice démissionne ! Que l'institution admet qu'elle est incapable de les protéger ! Cela n'est pas du tout acceptable. Arriver à cela, c'est sanctifier le principe d'une justice privée ». Mais qui entend la voix des professionnels éclairés quand la machine médiatique est lancée ? 125