Grands Colloques - Fiducie-sûreté - 72

LA FIDUCIE-SÛRETÉ

On peut imaginer également que ce tiers acquéreur procède à l'acquisition des titres et des créances senior, pour un prix inférieur à leur valeur
vénale. Pour que l'opération soit possible, l'acquéreur devra également se
voir céder les créances subordonnées pour l'euro symbolique : en effet, dès
lors que la valeur de la créance senior est inférieure au montant de l'actif,
a fortiori, la valeur des créances subordonnées est nulle. Mais, dans cette
dernière hypothèse, les créanciers senior pourront vouloir se voir attribuer
les titres ; il faut donc le prévoir.
Et puis il faut prévoir l'hypothèse du tiers acquéreur qui entend procéder
non pas à l'acquisition des titres mais plutôt à celle de l'immeuble. Dans
ce cas, le créancier senior sera directement payé - en tant que créancier
hypothécaire - à l'occasion de la vente ; le fiduciaire recevant la part
résiduelle du prix, si elle existe. Concernant la fraction des créances
subordonnées demeurées impayées, le contrat de fiducie doit prévoir leur
incorporation dans le capital de la société.
En définitive, ce montage fiduciaire intègre différentes solutions, différents scénarii liés aux différents niveaux d'intervention de la restructuration;
le mécanisme mis en place devant permettre d'éviter que la société se trouve
en situation de cessation de paiement, quelle que soit l'opération menée in
fine, et quel que soit le dénouement de l'opération.
Quelles conclusions tirer de ce dossier Rive Défense ? Je n'ai pas besoin
de le dire, mais vous l'aurez constaté, l'opération est évidemment complexe
et comporte un certain nombre de chausse-trappes. Or, ne l'oublions pas,
la fiducie est un voyage au long cours. Une fois le navire en pleine mer,
on ne peut pas revenir au port pour régler des situations qui n'ont pas été
envisagées ab initio. D'où la nécessité de tout prévoir dans la documentation contractuelle.
Mais le jeu vaut cependant la chandelle : la fiducie permet de réunir des
intérêts fondamentalement contradictoires. En ce sens, il ne fait pas de
doute que la fiducie est consentie dans l'intérêt des créanciers senior, mais
pas uniquement. Elle est également consentie dans l'intérêt des créanciers
subordonnés, pas seulement parce que son adoption permet une coopération des créanciers senior, mais parce que les créanciers subordonnés, en
plaçant à la fois les titres, mais également les créances subordonnées dans
le patrimoine fiduciaire, ont l'assurance de ce que titres et créances seront
cédés conformément à un schéma strictement et exactement conforme à
ce qui a été convenu par les parties et par un tiers totalement indépendant.
C'est précisément cette indépendance qui suscite l'adhésion des créanciers
subordonnés dans ce type de schéma.

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