Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 11

Avant-propos

Seize ans se sont écoulés depuis la publication de la première édition de
cet essai dans la collection Clefs Montchrestien. Comment le sujet qu'il
s'efforçait d'aborder a-t-il évolué dans les faits et dans les esprits ?
On peut penser que les réalités de la globalisation économique, sociale,
culturelle... ne se sont dans l'ensemble pas démenties. Ni la crise économique qui s'est ouverte en 2008, ni les tensions entourant le commerce
mondial qui ont suivi l'élection de Donald Trump à la présidence des ÉtatsUnis n'ont sensiblement infléchi leur cours : sans doute l'encadrement étatique a-t-il donné l'impression de reprendre la main, mais il fut constamment évident que les tensions créées étaient transnationales dans leur
essence, et que le contrôle national de leurs conséquences était inscrit
dans d'étroites limites. Sans doute les difficultés économiques qu'ont alors
connues les pays développés ont-elles eu par moment pour conséquence
une réduction des flux migratoires dans leur direction, mais cette réduction
est constamment apparue comme limitée et temporaire.
Il est vrai qu'ensuite est venue la crise du coronavirus, qui a suscité une
masse de réflexions critiques sur la globalisation : celle-ci s'est vue imputer
une lourde part de responsabilité dans son déclenchement par le biais de la
circulation internationale du virus et dans son déroulement par la spécialisation économique qu'elle avait engendrée au point de soudainement laisser
certains pays dans une situation de pénurie d'équipements sanitaires. On ne
prendra une juste mesure de ces réflexions critiques, cependant, que si on
observe qu'elles se sont accompagnées du vœu largement exprimé que se
développent de fortes politiques sanitaires européennes, voire mondiales,
appuyées sur le partage le plus ample possible des données de santé et
sur la reconnaissance comme biens communs mondiaux des traitements
et vaccins contre le virus qui pourraient être découverts.
En somme, nous n'en avons pas fini avec la globalisation, même si la
période impose, dans une mesure et pour un temps qu'il est difficile d'apprécier, un repli sur les frontières nationales, en tous les cas un ralentissement des flux physiques de circulation des biens et des personnes : mais les
modes internationaux de communication audiovisuels et numériques, eux,
seraient plutôt dans une phase de fonctionnement intense. Les effets que
la dernière crise a eus sur les réalités concrètes de la globalisation sont
vite apparus comme paradoxaux. On a la nette impression que, s'il s'apprête
sans doute à être transformé, le tissu d'interconnexions des économies, des
sociétés, des cultures qui la caractérise n'est pas voué à perdre beaucoup
de sa densité.
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