Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 124

La globalisation, le droit et l'État

perspective formelle, on peut admettre, comme le fait Denys de Béchillon,
que : « le droit international est un droit fait par les États, même lorsqu'ils
se dessaisissent de leur pouvoir, parce que ce dessaisissement est un fait
de souveraineté »29.
Ainsi conçue, la notion peut s'accommoder de formes extrêmes de
régression de la puissance juridique de l'État : il suffit que celui-ci apparaisse comme y ayant consenti en principe, à un moment ou à un autre.
Mais on ne peut pas ne pas éprouver le sentiment qu'elle ne rend pas bien
compte des réalités issues de la globalisation, dans laquelle les pouvoirs
juridiques de l'État apparaissent comme réduits, concurrencés, déplacés.
Ou qu'elle n'en rend pas compte autrement que par une sorte de pétition
de principe.
C'est pourquoi ici et là s'émet l'idée selon laquelle, sans renoncer au
concept de souveraineté, ce qui ne serait pas réaliste30, il conviendrait d'en
infléchir la compréhension. Trois voies légèrement différentes sont proposées par les uns et les autres31.
a) La première consiste à mettre l'accent sur la fonction essentielle de
médiation que l'État remplit dans la globalisation : cette fonction de régulation des flux juridiques, de garant de la sécurité juridique, d'ordonnateur
juridique du marché, etc. que nous avons évoquée.
Dans cette vision, la souveraineté apparaîtrait tout autant comme une
responsabilité que comme un droit. Dans le monde de la globalisation juridique, l'État assume un certain nombre d'indispensables fonctions intermédiaires au service de l'intérêt public global32, en même temps qu'il est le
garant des équilibres internes.
Il se pourrait que, cette position-là, il la tienne de ce que, bien qu'il ne
soit plus autant « maître des territoires », il demeure largement « maître du
temps », pour se référer à Habermas.
b) La deuxième voie consiste à mettre l'accent sur le fait que, dans une
mesure sans cesse croissante, la souveraineté apparaît comme partagée.
Cela est évidemment particulièrement apparent dans les rapports entre
l'Union européenne et les États membres. Dans ce contexte-là, en effet, la
souveraineté est clairement mise en commun, comme on l'a souligné :

29.
30.

31.

32.

Law on Public Law", in Peter LEYLANDS and Terry WOODS, Administrative Law Facing the
Future: Old Constraints and New Horizons, Blackstone, 1999, p. 271.
« La structure des normes juridiques à l'épreuve de la post-modernité », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, nº 43, 1999, p. 1.
Prosper WEIL, « Toujours le même et toujours recommencé : les thèmes contrastés du
changement et de la permanence du droit international », Recueil des cours de l'Académie
du Droit International, t. 237, 1992, repris dans Prosper WEIL, Écrits de droit international,
PUF, 2000.
Outre les références données ci-après : Trudy JACOBSEN and al. (eds.), Re-envisioning sovereignty, Ashgate, 2008 - Wenhau SHAN and al. (eds.), Redefining sovereignty in International
Economic Law, Hart Publishing, 2008.
Peter PERNHALER, "The New Function of Small States in a World that gets connected",
Revue européenne de droit public, vol. 12, nº 1, 2000, p. 63.

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