Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 147

Le point de vue des régulations

de solutions nationales : la compréhension de ces dispositifs exige évidemment un travail de droit comparé28. Comme l'écrit William Twining, « dans
un monde de plus en plus interdépendant, pratiquement toutes les recherches juridiques sont plus ou moins cosmopolites »29.
Ajoutons que la structure complexe des dispositifs du droit global, dans
lequel se mêlent droit interne et droit international, droit international général et droit des intégrations régionales, droit public et droit privé, invite à
procéder à ces recherches de droit comparé tous azimuts, et non pas seulement sur l'axe traditionnel qui va des droits nationaux aux droits
nationaux30.
Mais le plus important n'est pas là. Il est dans le fait que le droit comparé assiste à un véritable déplacement de ses enjeux. Traditionnellement,
la raison d'être des investigations de droit comparé était essentiellement
théorique : il s'agissait de connaître les autres systèmes juridiques, pour
mieux comprendre le nôtre, et pour mieux percer le secret de l'essence
même du droit. Tout au plus, l'exercice permettait-il parfois aussi de repérer dans d'autres systèmes juridiques des recettes pour l'amélioration du
nôtre. Mais cet enjeu pratique restait limité, sauf dans des cas où un État,
contraint de réformer en profondeur son système juridique, décidait de puiser dans les exemples étrangers. Ce fut le cas, par exemple, du Japon au
tournant des XIXe et XXe siècles31. Un exemple plus contemporain de ce genre
de situations nous a été donné par les pays de l'Est après 1989 : ils ont « fait
leur marché » dans les traditions juridiques occidentales pour reconstruire
leur droit constitutionnel, leur droit civil, leur droit commercial...
Dans l'univers de la globalisation, les enjeux tendent à devenir constamment et immédiatement concrets. L'exercice comparatiste acquiert une
dimension d'opérationnalité qu'il ne possédait pas, ou qu'il ne possédait
que faiblement. Les autres systèmes juridiques ne sont plus seulement
des modèles envisageables, des sources possibles d'inspiration. Ils sont
des partenaires et des concurrents à la fois, dans les brassages juridiques
que la globalisation opère. Il est facile d'expliquer cette mécanique dans la
sphère communautaire, par exemple : les systèmes juridiques nationaux y
sont à la fois concurrents pour inspirer les solutions du droit

28. Olivier DUBOS, « Le droit administratif et les situations transnationales : des droits étrangers au droit comparé », in Fabrice MELLERAY (dir.), L'argument de droit comparé en droit
administratif français, Bruylant, 2008 - Bénédicte FAUVARQUE-COSSON, « Le droit comparé et
le droit international », Revue internationale de droit comparé, nº 530, 2003.
29. William TWINING, "Globalization and Comparative Law", Maastricht Journal of European and
Comparative Law, 1999, vol. 6, nº 3, p. 217 : "In an increasingly interdependent world, nearly
all legal studies are inevitably more or less cosmopolitan" - Du même auteur : Globalization
& Legal Theory, Butterworths, 2000 - "The Province of Jurisprudence Re-examined", in
Catherine DAUVERGNE (ed.), Jurisprudence for an Interconnected Globe, précité, p. 53.
30. W. VAN GERVEN, "Mutual Permeation of Public and Private Law at the National and Supranational Level", Maastricht Journal of European and Comparative Law, 1998, nº 1, p. 7.
31. Par ex. : Éric AGOSTINI, Droit comparé, PUF, 1988, p. 310 et s.

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