Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 150

La globalisation, le droit et l'État

comporte pas de mécanismes de régulation crédibles. Les processus normatifs
sont de plus en plus éclatés, l'aptitude à créer des normes est consentie à un
nombre croissant d'acteurs de nature très diverse, les institutions se multiplient
en empruntant des formes de plus en plus variées, les normes elles-mêmes
empruntent des formes et des contenus inédits. Tout cela, que nous avons vu,
donne le sentiment d'une extrême fragmentation, de l'absence de disciplines.
Comme on aura l'occasion de le souligner41, au surplus certaines
valeurs essentielles des systèmes juridiques démocratiques paraissent difficiles à garantir dans le contexte de la globalisation : l'État de droit, la sécurité juridique, notamment.
On découvre même que certaines opérations clefs de la technique juridique
y deviennent parfois difficiles. En particulier celles qui tournent autour de l'imputation des actes et situations. Il devient en effet parfois difficile de déterminer
exactement qui fait quoi, pour le compte de qui. Les droits européens - nationaux et communautaires - ont eu à déterminer pour le compte de qui les
administrations nationales agissent lorsqu'elles mettent en œuvre les normes
et politiques communautaires. Dans le droit français, par exemple, ce n'est
qu'en 198142 que le Conseil d'État a indiqué clairement que les administrations
nationales, lorsqu'elles se consacrent à la mise en œuvre des politiques et du
droit communautaires, n'en continuent pas moins à agir en tant qu'autorités
nationales. Bien qu'elle soit assez bien balisée maintenant dans la jurisprudence nationale et européenne, la question de savoir qui est responsable lorsqu'un dommage est causé dans le cadre de la mise en œuvre nationale d'actes
de l'Union pose tout de même parfois des problèmes concrets importants43.
De même, les organes de l'OMC ont eu à décider si les États agissaient
pour le compte de l'UE lorsqu'ils violent les règles de l'OMC44. Lorsque, ainsi
que cela devient commun, des unités militaires nationales prennent part à
des opérations humanitaires et des missions de maintien de la paix, pour qui
leurs soldats agissent-ils, qui est responsable lorsqu'ils causent des dommages ou en subissent, devant quelles instances, nationales ou non, la
réparation peut-elle être demandée45 ?
Lorsque, réalité fréquente dans la globalisation, des fonctions étatiques
sont assurées par des acteurs non étatiques, il est parfois difficile de savoir
si ceux-ci assument les conséquences de leurs actes ou bien s'ils engagent
la responsabilité de l'État auquel ils se substituent46.
41. V. infra nº 80 et s.
42. CE, 2 avr. 1981, GIE Vipal, D. 1981-209, concl. B. GENEVOIS.
43. Par ex. : Jean-Paul JACQUÉ, Droit institutionnel de l'Union européenne, Dalloz, 9e éd., 2018,
p. 776 s.
44. La réponse fut positive : Panel Report, 15 mars 2005, European Communities - Protection
of Trademarks and Geographic Indication for Agricultural Products and Foodstuffs, WTO
Doc. WT/DS174/R.
45. Le Conseil d'État français a récemment rencontré ce problème : Jean-Bernard AUBY, « La
police, la PESC, le juge administratif », Dr. adm., mars 2007, p. 3.
46. Marco SASSOLI, « La responsabilité internationale de l'État face à la mondialisation, la
déréglementation et les privatisations », in Olivier DELAS et Christian DEBLOCK (dir), Le bien

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