Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 167

Le point de vue des valeurs et de la légitimité

Au-delà de ces éléments, il va de soi que des options s'ouvrent, car, si le
constitutionnalisme a un squelette d'inspiration constant, les formes et
contenus constitutionnels qui s'inspirent de lui sont variables. Varie évidemment la façon dont peuvent être organisés les schémas de décision comme
les schémas de contrôle, de même que les mécanismes par lesquels on
peut articuler l'institution à ses « stakeholders ». Varie également la vision
que l'on peut avoir de l'intervention de l'institution dans le champ qui lui
est dévolu, selon que cette intervention est considérée en quelque sorte
comme subsidiaire - en rapport au marché, au fonctionnement « naturel »
de la société - dans une vision se rattachant à l'économie politique constitutionnelle, ou que l'institution est tenue pour devant être plus proactive,
dans une vision qui valorise son action possible pour délivrer des biens
publics31.
En ce qui concerne les principes essentiels, et notamment ceux qui
concernent la protection des droits des destinataires de l'action de l'institution, il y a une sorte de noyau, de patrimoine largement commun, qui résulte
de mécanismes généraux du droit international comme celui du jus cogens,
de l'émergence du concept de démocratie au sein du droit international, et
du large corpus de droit international des droits fondamentaux : cet
ensemble de « normes d'intérêt public » qui s'est imposé dans un droit
international jadis fait essentiellement de règles destinées à harmoniser
les rapports entre États - et qui étaient donc « d'intérêt privé » en ce
sens32.
3º. Une troisième série d'interrogations concerne la question de savoir
quelles institutions sont les cibles - ou les cibles principales - de la démarche de constitutionnalisation, et celle de savoir quelles méthodes doivent
être employées.
Sur la première question, on ne peut faire qu'une réponse analogue à
celle qui s'applique à la citoyenneté et la démocratisation. Tous les acteurs
publics globaux souffrent d'un déficit de constitutionnalisation au sens où
nous l'entendons, car leurs chartes ont toujours été conçues dans un esprit
différent, essentiellement fonctionnel - produire de l'action publique collective dans un univers interétatique. Mais, naturellement, l'attention doit se
porter principalement sur ceux qui ont les pouvoirs les plus importants,
les fonctions les plus stratégiques : l'ONU, l'OMC, l'UE, etc.
Sur le plan des méthodes, il faut insister ensuite sur le fait que la
démarche à suivre est nécessairement « multilevel », en ce sens que toute
constitution d'un organe public global doit être conçue comme étant une
pièce d'un ensemble, comme étant en résonance avec d'autres niveaux
constitutionnels, dans un schéma de « multilevel constitutionalism »33. Il
31. David SCHNEIDERMAN, Constitutionalizing Economic Globalization, précité.
32. Giuliana ZICCARDI CAPALDO, The Pillars of Global Law, Ashgate, 2008, p. 45 et s.
33. Ernst-Ulrich PETERSMANN, "Multilevel Trade Governance in the WTO requires Multilevel
Constitutionalism", précité.

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