Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 183

Le droit global comme infléchissement des droits existants

réglées par les positions des droits nationaux, sont de plus en plus souvent
résolues par des règles posées dans des conventions internationales,
comme la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence
internationale des tribunaux des États membres de l'Union européenne, et
les effets de leurs décisions dans les États membres, ou la convention de
Rome du 19 juin 1980, le règlement « Rome I » du 17 juin 2008 sur la loi
applicable aux obligations contractuelles6 et le règlement « Rome II » du
17 juin 2012 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles.
Le même mouvement se constate dans le cas des contrats d'État :
comme nous l'avons vu, leur régime est de plus en plus amplement déterminé par des conventions multilatérales ou des traités bilatéraux d'investissement, là où il était traditionnellement immergé dans le droit de l'État
hôte7.
Pourtant, en sens inverse, c'est en recherchant l'harmonisation des
droits internes, c'est en s'appuyant sur les droits internes que le droit de
la globalisation opère souvent8. C'est en grande partie par le biais des droits
nationaux, comme nous l'avons vu, que la régulation internationale se met
en place en matière de marchés financiers ou d'Internet. C'est en grande
partie par le biais des droits nationaux, et notamment des juridictions internes, que le droit international des droits fondamentaux trouve le chemin de
sa mise en œuvre concrète9. Un autre exemple peut être ajouté : celui de la
lutte contre le blanchiment de l'argent sale. La lutte internationale contre le
blanchiment de l'argent sale s'est organisée autour de principes posés
conjointement en 1985 lors d'une réunion organisée par les Nations unies,
et en 1988, lors d'une réunion du Comité de Bâle, qui regroupe, comme on
le sait, les gouverneurs des principales banques centrales. Mais ses orientations ont été dotées d'effets au travers des législations nationales, harmonisées en matière de répression du blanchiment, comme en matière de
contrôle des banques10...
On estime à 90 % la proportion des problèmes de droit international
positif qui sont réglés par des juridictions internes11.

6. Outre les références données ci-dessus, v. Pierre MAYER, Droit international privé, Montchrestien, 6e éd., 1998, nº 15 et s.
7. V. Prosper WEIL, « L'État, l'investisseur étranger et le droit international : la relation désormais apaisée d'un ménage à trois », in Liber Amicorum Ibrahim F.I. Shihata, Kluwer, 2000,
repris dans Prosper WEIL, Écrits de droit international, précité, et supra nº 29.
8. Saïda EL BOUDOUHI, « Le juge interne, juge de droit commun du droit international ? État des
lieux de l'invocabilité du droit international conventionnel en droit interne », RFDA,
mars-avr. 2014, p. 371 - Olivier DUBOS et Carine LAURENT-BOUTOT, « Le rôle du juge de droit
commun dans l'application du droit externe : la composition des ordres juridiques », in
Baptiste BONNET (dir.), Traité des rapports entre ordres juridiques, LGDJ, 2016, p. 741.
9. Harold HONGJU KOH, "How is International Human Rights Law enforced?", Indiana Law Journal 1999, nº 34, p. 1397.
10. Jarrod WIENER, Globalization and the Harmonization of Law, précité.
11. Wilfried BOLEWSKI, Diplomacy and International Law in Globalized Relations, Springer, 2007,
p. 132.

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