Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 187

Le droit global comme infléchissement des droits existants

Dans le droit communautaire, comme cela a été maintes fois observé, la
séparation du droit public et du droit privé n'est nulle part consacrée. Elle ne
l'est pas davantage dans le droit de l'OMC...
2º. À cela, s'ajoutent des signes réguliers de ce que, dans l'univers de la
globalisation, le droit de l'État tend facilement à se banaliser. Le déclin de la
souveraineté, et donc de ce qui fait l'essence juridique spécifique de l'État,
agit évidemment dans ce sens, mais y conduisent aussi des chemins très
concrets, comme la régression des immunités étatiques, et le fait que les
États acceptent plus volontiers de se soumettre à l'arbitrage international :
cette acceptation, comme on l'a relevé, a une portée d'autant plus grande
que les arbitres internationaux se montrent réticents à appliquer les règles
propres du droit public lorsqu'ils se penchent sur les contrats d'État20.
3º. Au fond des choses, les modifications que la globalisation fait subir
au rôle de l'État et à son droit, les transformations qu'elle impose à l'architecture des espaces publics, le rôle important qu'elle laisse exercer par des
entités non étatiques diverses, le flou qui s'y introduit dans la distinction
même des entités publiques et des entités privées21 aussi, font que ce qui
se construit est plus difficile à lire dans les termes de la distinction du
droit public et du droit privé.
La distinction du droit international public et du droit international privé
elle-même est brouillée de façon croissante. Elle est fondée traditionnellement sur une distinction des sujets : le droit international public régit les
rapports entre États - et organisations internationales -, cependant que le
droit international privé gouverne les rapports entre individus et personnes
morales privées lorsque ces rapports comportent un élément d'extranéité22.
Or, dans le droit de la globalisation, les individus et personnes morales privées sont de plus en fréquemment destinataires de règles du droit international public, qui leur reconnaissant des droits, qu'ils peuvent directement
faire valoir... En sens inverse, comme on l'a rappelé, les relations juridiques
dans lesquelles sont impliquées les États, en tous les cas les relations
contractuelles, tendent à se laisser attirer de plus en plus fréquemment
par le droit privé23....

20. Supra nº 29 et Gérard MARCOU, « La sentence arbitrale relative à la convention d'utilisation
du tunnel sous la Manche par la SNCF et British Rail », AFDI, 1997.
21. Sabino CASSESE parle même de fin du bipolarisme public-privé : La crisi dello stato, Editori
Laterza, 2000, p. 130 et s. V. également : Claire CUTLER, Private Power and Global Authority,
Oxford University Press, 2003 - Jan KLABBERS, International Law, Cambridge University
Press, 2013, p. 267 - Dominique BUREAU et Horatia MUIR WATT, Droit international privé,
PUF, 2007, t. II, p. 17 et s.
22. Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international public, LGDJ, 6e éd., 1999, p. 36 - Pierre
MAYER, Droit international privé, Montchrestien, 6e éd., 1998, nº 4 et s.
23. Paul SCHIFF BERMAN, "conflicts law and international business transactions law have become a
staple of state-to-state relations", introduction in Paul SCHIFF BERMAN (dir), The Globalization
of International Law, précité.

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