Systèmes - La globalisation, le droit et l'État - 3e - 231

Le droit global comme instrument pour des temps nouveaux

fois, la confrontation implique parfois des valeurs fondamentales des systèmes internes.
3º. Des mutations profondes et complexes affectent enfin la distribution
des rôles entre les niveaux normatifs de l'univers juridique d'aujourd'hui.
Comme on l'a relevé à plusieurs reprises, la distribution des rôles entre
droit international et droit interne connaît des glissements surprenants, le
droit international devenant plus interne dans son contenu et puisant dans
les ordres internes les ressorts principaux de son effectivité.
Les hiérarchies normatives deviennent plus complexes. Des situations
se révèlent dans lesquelles des niveaux normatifs se trouvent placés dans
des positions de « miroirs affrontés », dans lesquelles aucun ne peut prétendre à une suprématie définitive : ainsi, entre le droit de l'Union et les
droits des États membres, entre le droit de l'Union et le droit de l'OMC.
De même apparaissent, et de façon de plus en plus fréquente, des situations de « multilevel connection », dans lesquelles plusieurs niveaux normatifs se trouvent articulés, de manière plus ou moins hiérarchisée, dans des
dispositifs juridiques communs : un bon exemple en est donné par la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales européennes, dont le
régime conjugue du droit international - la convention de Madrid -, du droit
de l'Union, du droit national et les montages juridiques locaux.
Toutes ces évolutions nous invitent constamment à une réflexion sans
préjugés sur les interfaces juridiques, sur les articulations entre normes et
systèmes. Il faut en somme reprendre, actualiser et développer ici et là l'investigation tentée par Santi Romano des figures de la « relevance » : de
façon à mieux connaitre la « chaîne de production du droit global », pour
emprunter l'expression de Benoît Frydman22.

B. L'opérationnalité des systèmes juridiques
111. Les observations qui viennent d'être faites peuvent probablement
réunir un consensus. Cela sera sans doute plus difficile pour ce que nous
allons suggérer maintenant : l'idée selon laquelle le « logiciel de base » du
droit global qui s'installe progressivement tend à imposer des conditions
relatives à ce que doivent être les systèmes juridiques pour s'inscrire efficacement dans le nouveau cours du monde.
S'il en va ainsi, selon nous, c'est d'abord parce que la globalisation juridique désaxe le substrat social et la fonction sociale des systèmes juridiques. En même temps, elle leur impose d'adapter leur organisation, ce
dont résulte une sorte de droit commun de l'organisation étatique dans la
globalisation.

22. Petit manuel de pratique de droit global, Académie Royale de Belgique, 2014, p. 41.

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