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La globalisation, le droit et l'État

2º. Le recours aux théories du pluralisme juridique paraît indispensable
pour traduire ce qu'est la structure de l'espace juridique global et du droit
global37.
L'un des aspects les plus évidents, les plus forts, de la globalisation juridique est que s'y produit une « multiplication des foyers de juridicité », pour
emprunter une formule d'Antoine Garapon38. Et que, comme nous l'avons vu
aussi, ces « foyers de juridicité » se développent parfois dans un rapport de
grande indépendance à l'égard des États - même si le lien avec ceux-ci
n'est jamais entièrement rompu - ne serait-ce que parce que les « autorégulations » diverses ont besoin de pouvoir compter sur la puissance d'exécution de l'État.
Il est évident que les théories pluralistes sont particulièrement à même
de rendre compte de cette situation. Cela a d'ailleurs déjà été plaidé par
divers auteurs, notamment Gunther Teubner39 et William Twining40.
Quel type de théorie pluraliste est alors spécialement apte à éclairer la
globalisation juridique ?
Dans son versant institutionnaliste, le pluralisme de Santi Romano n'est
pas plus que cela une clef : en effet, les liens juridiques dont la globalisation
du droit s'alimente sont largement autant interinstitutionnels, latéraux, que
tenant au fonctionnement juridique interne d'institutions. En revanche, il y a
certainement beaucoup à puiser, pour éclairer le fonctionnement de l'espace juridique global, dans les analyses que Santi Romano développe à propos des liens de « relevance » qui peuvent relier les ordres juridiques partiels. Une vision de pluralisme juridique ne peut en effet se défendre que si
elle éclaire aussi les liens entre les ordres juridiques pluraux qu'elle décèle,
et c'est une des clefs de la pensée que développe Santi Romano dans « L'ordre juridique ».
Le pluralisme juridique de la globalisation peut être vu également
comme un pluralisme à caractère normatif. Il se développe sur la base,
même indirecte ou tacite, du consentement des États à la pluralité, aussi
longtemps que « des ordres transnationaux ne peuvent exister en dernière instance que parce que les États acceptent, favorisent, tolèrent ou même parfois
ignorent leur existence »41, comme l'écrit Charles Leben : il est un pluralisme
toléré par les États pour le moins.
Il est sans doute plus que tout un pluralisme à caractère sociologique.
Ce qui le pousse réellement à exister, ce n'est la volonté des États que formellement : c'est l'existence et la densité des liens économiques, sociaux,
37. Gavin ANDERSON, Constitutional Rights after Globalization, Hart Publishing, 2005, p. 44 et s.
38. in Pierre BOURETZ (dir.), La force du droit. Panorama des débats contemporains, Éditions
Esprit, 1991, p. 222.
39. "Global Bukowina: legal pluralism in world society", in G. TEUBNER (dir.), Global Law without
a State, Dartmouth, Aldershot, 1997, p. 3.
40. Globalization & Legal Theory, Butterworths, 2000.
41. « De quelques doctrines de l'ordre juridique », précité.

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